La Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée le 3 mai, souligne la nécessité de respecter cette liberté et d’assurer la sécurité des journalistes, et reconnaît le rôle essentiel de la liberté d’expression dans la protection des droits humains. Mais dans la pratique, dans de nombreux pays les journalistes demeurent victimes de harcèlement, d’intimidation, de détention et de violence, y compris de violence mortelle. En 2022 un nombre record de détentions de journalistes a été enregistré, accompagné d’une augmentation du taux de meurtres. Il est vital de défendre la liberté de la presse et de veiller à ce que les médias indépendants soient libres d’accomplir leur travail essentiel d’encouragement du débat démocratique, de dénonciation des violations des droits et de dénonciation de la corruption afin d’assurer la redevabilité de ceux au pouvoir.

Alors que le journalisme ne devrait pas être une profession dangereuse, c’est trop souvent le cas, et non seulement pour les journalistes travaillant dans des zones de guerre. Les journalistes courent des risques lorsqu’ils travaillent dans des pays soumis à un régime autoritaire ou dans lesquels des groupes extrémistes et des organisations criminelles ont de l’influence, ainsi que lorsqu’ils couvrent des sujets jugés sensibles ou dévoilent des vérités gênantes qui dérangent les personnes au pouvoir.

En Afghanistan, sous le régime des talibans, de nombreux médias ont été interdits, dissous ou bloqués, les journalistes ont été menacés, attaqués et arrêtés, et les femmes ont largement disparu de la scène. En Russie, depuis le début de la guerre contre l’Ukraine, les quelques journaux, sites d’information, chaînes de télévision et stations de radio encore indépendants ont été contraints de fermer ou poussés à l’exil. La publication de la vérité est désormais considérée comme une diffusion de fausses informations. Les journalistes qui couvrent les manifestations contre la guerre ont été harcelés, agressés et détenus. En Iran, lorsque des manifestations de masse ont éclaté à la suite de la mort de Mahsa Amini l’année dernière, de nombreux journalistes ont été arrêtés en raison de leurs reportages sur les manifestations et les questions qu’elles soulevaient.

Il ne s’agit là que de quelques exemples parmi tant d’autres : les libertés des médias sont attaquées dans tous les pays, et ces attaques suivent des schémas similaires. Dans l’analyse de CIVICUS sur les conditions de l’espace civique en 2022, le harcèlement des activistes et des journalistes a constitué la violation de l’espace civique la plus documentée. Les attaques et la détention de journalistes figuraient également parmi les 10 principales violations mondiales.

Harcèlement et intimidation

Le harcèlement a pour effet de décourager les journalistes et de les empêcher d’effectuer leur travail, notamment en alimentant l’autocensure. Il se présente sous de nombreuses formes : messages menaçants, haine en ligne, interrogatoires policiers, menaces de poursuites judiciaires, perquisitions à domicile ou dans les bureaux. Les agences et les fonctionnaires de l’État, tout comme les groups anti-droits, les entreprises privées et autres sources non-étatiques, ont recours au harcèlement.

Au Salvador, sous le règne du président populiste et autoritaire Nayib Bukele, les attaques viennent du haut. Bukele et ses alliés ont constamment vilipendé les journalistes critiques. La dissidence a été étouffée par de nombreux moyens: diffamation publique de la part de hauts fonctionnaires, menaces de représailles contre les journalistes, surveillance des bureaux des médias et des journalistes, obstruction du travail journalistique, intimidation et criminalisation.

Le glissement de la Tunisie vers l’autoritarisme s’est accompagné, comme on pouvait s’y attendre, d’une détérioration de la liberté des médias, notamment par le biais de campagnes de diffamation contre les journalistes, de détentions et de violences à l’encontre des professionnels des médias couvrant les manifestations. Lorsque le pays a organisé un référendum entaché d’irrégularités pour confirmer les nouveaux pouvoirs du président Kais Saied, certains journalistes ont été empêchés de rendre compte du scrutin et ont été victimes de harcèlement.

Le harcèlement parvient souvent lorsque l’on des questions sont posées que les détenteurs du pouvoir préfèreraient ne pas avoir à affronter. Malick Konaté, journaliste au Mali, a été pris pour cible pour avoir participé à un documentaire télévisé sur la présence dans le pays de mercenaires russes du groupe Wagner – un sujet sensible puisque le gouvernement nie que des mercenaires aient été déployés. En guise de sanction, Konaté a reçu de nombreuses menaces, y compris des menaces de mort, et des officiers militaires se sont rendus à son domicile.

Tout cela a été très épuisant : le harcèlement judiciaire et les poursuites pénales ont des effets d’usure.

CARLOS ERNESTO CHOC

Au Bangladesh, pays de plus en plus autoritaire, les journalistes sont visés par la très restrictive Loi sur la sécurité numérique, une loi de grande envergure conçue pour servir de prétexte au harcèlement. Même l’exil n’est pas une échappatoire : les familles des journalistes qui ont fui le Bangladesh pour leur sécurité sont victimes de harcèlement et d’intimidation. Nusrat Sharin Raka, sœur du journaliste en exil Kanak Sarwar, a été la cible d’interrogatoires policiers approfondis, de détentions et d’accusations fallacieuses.

Le harcèlement vise particulièrement les femmes journalistes et les personnes appartenant à d’autres groupes exclus. La journaliste belge Samira Attilah a été la cible de menaces au ton racial et sexuel sur les réseaux sociaux et par téléphone de la part de manifestants antivaccins. La journaliste bolivienne Wendy Roca Hidalgo a reçu des menaces de violence sexuelle et de mort en réaction à son reportage sur les fémicides. Cela est bien trop courant pour les femmes reporters du monde entier.

Des voix en première ligne

Le Guatemala est une terre hostile pour les médias indépendants. Un climat d’intimidation, de harcèlement et de violence a contraint de nombreux journalistes à quitter le pays. Ceux qui sont restés ont été vilipendés, criminalisés, harcelés par la justice et emprisonnés sur la base d’accusations fallacieuses.

Le journaliste communautaire Carlos Ernesto Choc partage son histoire de criminalisation et de persécution judiciaire.

 

Dans mon cas, il s’agit d’une persécution judiciaire qui a été utilisée pour tenter de me faire taire. Tout a commencé en 2017, alors que j’enquêtais sur la pollution du lac Izabal. Je documentais les manifestations des pêcheurs contre l’exploitation minière et j’ai capturé le moment exact où un manifestant a été tué par des coups de feu tirés par la police nationale civile. L’accusation portée contre moi provenait de la société minière Solway Investment Group, une société à capitaux russes basée en Suisse. En août 2017, un mandat d’arrêt a été délivré à mon encontre. Les audiences ont été reportées les unes après les autres et ce n’est qu’en janvier 2019 que j’ai finalement pu témoigner devant le tribunal, suite auquel j’ai reçu une mesure alternative à l’emprisonnement.

La mesure alternative à l’emprisonnement est un régime de liberté conditionnelle qui prévoit l’obligation de se rendre au bureau du procureur tous les 30 jours pour être enregistré et l’interdiction de se trouver dans un endroit où l’on vend des boissons alcoolisées, entre autres. Les forces de sécurité, la police, les autorités surveillent où l’on est et attendent à ce qu’une infraction soit commise pour pouvoir entamer des poursuites. Je considère ces mesures alternatives comme des formes de punition qui impliquent des restrictions et des limitations au droit d’informer et d’être informé.

En janvier 2022, j’ai fait l’objet de nouvelles poursuites pénales, la police nationale civile m’accusant d’avoir incité à la violence lors d’une manifestation des communautés indigènes d’Izabal contre la plus grande mine à ciel ouvert en activité du pays, détenue par la Compañía Guatemalteca de Níquel, filiale de Solway. Treize policiers m’ont accusé de les avoir agressés physiquement, alors que je ne faisais que documenter le moment où les forces de sécurité réprimaient les gens avec des gaz lacrymogènes.

Depuis lors, je n’ai pas pu continuer à exercer mon métier de journaliste, ni me déplacer librement, jusqu’à ce que mes avocats parviennent à prouver au juge que je suis bien un journaliste et non un criminel. En septembre, les charges retenues contre moi ont été abandonnées. Tout cela a été très épuisant : le harcèlement judiciaire et les poursuites pénales ont des effets d’usure.

 

Ceci est un extrait édité de notre conversation avec Carlos. Lisez l’intégralité de l’entretien (en anglais) ici.

Un continuum de violence

Le harcèlement peut préparer le terrain pour une escalade vers la violence physique.

Dans les Amériques, par exemple, CIVICUS a recensé des attaques physiques contre des journalistes et des médias dans au moins 17 pays en 2022. Les bureaux des entreprises de médias ont fait l’objet d’attaques impliquant des incendies, des explosifs ou des armes à feu dans plusieurs pays, dont l’Argentine, la Colombie et le Honduras.

La violence constitue souvent une tactique pour tenter d’empêcher les professionnels des médias de couvrir les manifestations. Plusieurs journalistes ont été attaqués par les forces de sécurité alors qu’ils couvraient des manifestations au Guatemala. De même, au Kazakhstan, où les manifestations déclenchées par une augmentation du prix des carburants ont été réprimées avec une violence meurtrière, des journalistes ont été attaqués, et certains d’entre eux blessés. Des journalistes ont été battus et détenus lors de la répression des vastes manifestations organisées au Sri Lanka pour demander un changement de gouvernement au cours de l’année 2022.

Les groupes anti-droits mobilisent également la violence contre les journalistes qui couvrent les rassemblements publics. Lors d’une manifestation organisée par le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne en octobre dernier, la journaliste Armilla Brandt a été agressée physiquement et a fait l’objet de menaces sexistes et sexuelles. Il s’agit de l’une des nombreuses agressions de journalistes constatées en Allemagne lors de manifestations organisées par des groupes antivaccins et d’extrême-droite.

Dans plusieurs pays, la violence meurtrière s’est déchaînée. Le Comité pour la protection des journalistes estime que 67 journalistes et professionnels des médias ont été tués en 2022, soit une augmentation de près de 50 % par rapport à 2021. Le Mexique s’est nouvellement retrouvé dans la notoire position du pays avec le plus grand nombre de meurtres de journalistes en dehors des zones de guerre, le bilan final s’élevant à 13 morts. Les journalistes mexicains ont organisé de nombreuses manifestations réclamant la justice et des mesures urgentes pour protéger leur sécurité.

Les dangers de la désinformation

L’environnement de travail très difficile des journalistes est souvent rendu d’autant plus difficile par la montée de la désinformation en ligne. Celle-ci a pour effet de rendre presque impossible l’établissement de la vérité. L’essor de la désinformation signifie que pratiquement tout peut être contesté, que les faits peuvent être rejetés et que les journalistes peuvent être vilipendés en tant qu’agents de propagande et serviteurs de conspirations imaginaires. De nombreux gouvernements ont réagi en introduisant des lois contre les « fake news », mais beaucoup d’entre elles sont mal intentionnées et conçues pour arrêter non pas la propagation de la désinformation, mais le partage de faits qui contredisent les récits officiels.

La désinformation et les théories du complot sont montées en flèche sous l’effet de la pandémie et ont entaché tous les domaines du discours public, y inclus les vaccins, le changement climatique et les questions de genre et de race, normalisant les discours de haine et les idées extrémistes.

En 2022, la désinformation a joué un rôle énorme dans les élections au Brésil, aux Philippines et en Corée du Sud, entre autres. Elle contribue à la limitation du sentiment anti-guerre en Russie, promeut le nationalisme hindou anti-musulman du parti au pouvoir en Inde et maintient le trumpisme en vie aux États-Unis.

Cet essor de la désinformation est intentionnel, mais une grande partie est partagée sans faire exprès. Des États autoritaires puissants produisent de la désinformation pour semer la polarisation dans les démocraties et entretenir la confusion sur leurs violations des droits, comme dans le cas des atrocités commises par la Russie en Ukraine et les abus systématiques commis par la Chine au Xinjiang. Ce sont ces mêmes États qui emploient des médias comme porte-parole officiels, brouillant encore davantage les lignes entre journalisme et propagande.

La société civile et les médias indépendants, en particulier quand ils font partie ou défendent les droits de groupes marginalisés, sont souvent la cible de la désinformation et des discours de haine qui s’ensuivent. La désinformation est omniprésente dans la lutte contre les droits des femmes et des personnes LGBTQI+.

L’industrie technologique n’est manifestement pas à la hauteur du défi que représente la résolution de ce problème, notamment parce qu’elle s’en nourrit : ses algorithmes attirent les utilisateurs en leur proposant des contenus de plus en plus extrêmes et simplistes qui renforcent leurs opinions préexistantes, déforment leurs perspectives et les isolent des divers points de vue.

Les initiatives de vérification des faits, éclipsées par l’ampleur de la tâche, ne sont qu’une première étape. Il reste à coordonner un effort mondial commun et multiforme pour lutter contre la désinformation, en rassemblant la société civile et les médias indépendants. Cela doit inclure une meilleure réglementation des réseaux sociaux et de l’industrie technologique, élaborée par le biais de processus participatifs et comprenant des garanties pour la liberté d’expression.

Les journalistes derrière les barreaux

Un nouveau record lamentable a été établi en 2022 : 363 journalistes ont été emprisonnés. Les journalistes sont souvent détenus pour avoir couvert des manifestations ou traité de sujets que les gouvernements préfèrent passer sous silence, tels que la corruption, les abus de pouvoir des présidents et les violations des droits des groupes marginalisés.

La peur m’empêche de dormir. Chaque fois que l’on frappe à la porte, je panique.

SYED FAWAD ALI SHAH

Pendant la guerre dans la région du Tigré, en Éthiopie, de nombreux journalistes ont été arrêtés pour incitation à la violence, collaboration avec l’ennemi et diffusion d’informations en faveur des groupes rebelles. Pendant le conflit, l’Éthiopie a été classée deuxième pays en Afrique subsaharienne avec le plus grand nombre de journalistes emprisonnés, après l’Érythrée, État totalitaire. Des journalistes ont été détenus pendant de longues périodes, notamment en raison de leurs critiques du premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, et de leurs entretiens avec des personnes désapprouvées par le gouvernement.

La répression militaire des manifestations en faveur de la démocratie au Soudan, avant l’éclatement actuel des combats entre forces militaires rivales, a également entraîné l’arrestation de nombreux journalistes. La junte militaire du Myanmar est un autre pays ayant détenu des dizaines de journalistes.

Les forces israéliennes dans les Territoires palestiniens occupés ne se contentent pas de maintenir les journalistes en détention : souvent, elles prolongent leurs périodes de détention juste quelques jours seulement avant leur terme. En septembre dernier, elles ont renouvelé la détention de la journaliste Bushra Al-Taweel pour trois mois supplémentaires, pour la troisième fois consécutive. En novembre, ils ont fait de même avec un autre journaliste, Amer Abu Arafah, quelques jours avant sa date de libération.

Des voix en première ligne

Le Pakistan est devenu l’un des pays les plus dangereux au monde pour la pratique du journalisme. Le gouvernement et l’armée très puissante utilisent tous les outils à leur disposition contre les journalistes dénonçant les violations des droits humains et la corruption, qu’il s’agisse de harcèlement, de détention, d’enlèvement, de violence ou d’assassinat.

L’écrivain et journaliste Syed Fawad Ali Shah partage son histoire de persécution, d’exil et de détention.

 

En 2011, j’ai été kidnappé à Islamabad par l’ISI (Pakistan Inter-Services Intelligence), justement parce que j’avais fait entendre ma voix en faveur de la liberté des personnes disparues de force par l’ISI.

L’ISI m’a gardé dans une prison secrète qui ressemblait à un trou noir, pendant trois mois et 18 jours. Ils m’ont libéré à condition que j’abandonne le journalisme, que je quitte le pays ou que je travaille comme espion pour eux. Je leur ai dit que je quitterais le journalisme.

Pour sauver ma vie, j’ai tenu parole. L’ISI m’a libéré en avril. En juin, j’ai été blessé dans un attentat à la bombe à Peshawar. Après la publication de mon nom dans un journal local, l’ISI m’a appelé pour me menacer, m’accusant d’avoir repris le journalisme. J’ai répondu que ce n’était pas le cas, que je me trouvais là par hasard. En août, j’ai quitté mon pays à contrecœur. Je me suis rendu en Thaïlande et, quelques jours plus tard, je suis arrivé en Malaisie, où j’ai obtenu le statut de réfugié.

En tant que réfugié enregistré auprès de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), j’ai connu de nombreuses difficultés. Les détenteurs d’attestations du HCR sont parfois arrêtés en Malaisie. Je vivais donc dans la crainte d’être expulsé vers le Pakistan.

En 2016, la HCR de Malaisie a transmis mon dossier de réinstallation au programme d’admission des réfugiés des États-Unis par l’intermédiaire du Comité international de secours (IRC). Toutefois, le département américain de la Sécurité intérieure (DHS) a refusé de me réinstaller aux États-Unis en raison de prétendus problèmes de sécurité. J’ai déposé une demande de réexamen en 2016, mais le DHS ne m’a répondu qu’en juin 2022.

De 2016 à 2022, j’attendais une réponse du gouvernement américain qui n’arrivait jamais. J’ai finalement demandé à l’IRC de renvoyer mon dossier à HCR en Malaisie. J’ai écrit des centaines de fois à l’agence HCR de Malaisie pour demander une réinstallation dans un pays sûr, sans recevoir aucune réponse. Alors que d’autres personnes qui étaient devenues des réfugiés après moi étaient réinstallées par la HCR, je restais bloqué sur place.

Le 23 août 2022, j’ai été enlevé par des agents de l’immigration malaisienne lors d’une opération conjointe avec l’ISI pakistanais dans le quartier de Bangsar à Kuala Lumpur. Ils m’ont emmené aux bureaux d’immigration à Putrajaya, où ils m’ont enfermé dans le sous-sol. Le 25 août, ils m’ont emmené à l’aéroport avec une cagoule noire sur le visage, après m’avoir donné un médicament supposément pour le COVID-19 à la suite duquel je suis tombé inconscient. À l’aéroport, ils ont enlevé la cagoule noire et m’ont mis sur un vol de Pakistan International Airlines à destination d’Islamabad, avec deux officiers de l’ISI de chaque côté.

À mon arrivée, l’ISI m’a envoyé dans une prison inconnue à Islamabad sans entrer mes données dans le système d’immigration de l’Agence fédérale d’investigation. J’ai été détenu pendant six mois, période pendant laquelle le gouvernement pakistanais n’a pas reconnu que j’étais au Pakistan. En mars 2023, le ministre malaisien de l’intérieur a finalement reconnu que j’avais été expulsé, ce qui a été rapporté par les médias internationaux.

Les autorités, ne pouvant plus me cacher, m’ont finalement remis à l’aile cybercriminelle de l’Agence fédérale d’investigation (FIA), qui m’a faussement accusé en vertu de la loi de 2016 sur la prévention des délits électroniques (Prevention of Electronic Crimes Act). Après avoir obtenu une libération sous caution temporaire, l’aile cybercriminelle de la FIA a fait pression sur le juge pour qu’il monte d’autres dossiers contre moi. Je crains donc constamment que le tribunal ne m’envoie en prison.

Sous la pression des agences de sécurité pakistanaises, mon passeport a été bloqué pendant dix ans et mon nom a été ajouté au système d’immigration de gestion intégrée des frontières, ce qui m’oblige à changer d’endroit tous les jours. La peur m’empêche de dormir. Chaque fois que l’on frappe à la porte, je panique. Mon cœur bat vite en permanence et je suis tombé malade à plusieurs reprises.

 

Ceci est un extrait de notre conversation avec Syed. Lisez l’intégralité de l’entretien (en anglais) ici.

Des motifs d’espoir

Certains changements politiques récents sont porteurs d’espoir. En République tchèque, en Slovénie et aux États-Unis, l’hostilité manifeste des gouvernements à l’égard des médias indépendants a cédé la place à des approches plus respectueuses de la liberté de la presse. Plus récemment, le nouveau gouvernement des Fidji a supprimé la loi restrictive sur le développement de l’industrie des médias, en vertu de laquelle un régulateur très interventionniste disposait de pouvoirs étendus pour infliger des amendes aux journalistes et les emprisonner, ce qui alimentait l’autocensure.

Le rôle essentiel des médias indépendants a été reconnu par la société civile ukrainienne qui, depuis le début de la guerre, s’est efforcée de maintenir la circulation de l’information, notamment en contribuant à la fourniture d’équipements de protection, en remplaçant du matériel, et en soutenant les relocalisations lorsqu’elles s’avéraient nécessaires. Ce faisant, elle contribue à apporter un correctif essentiel à la désinformation russe.

Le soutien aux médias et aux journalistes n’est pas seulement nécessaire dans les zones de guerre. Partout dans le monde, il est urgent de protéger les droits des professionnels des médias et d’assurer leur sécurité.

La société civile devrait faire cause commune avec les professionnels des médias partout où ils sont attaqués. Les militants et les journalistes sont souvent confrontés à des menaces similaires provenant des mêmes sources. Ils dépendent tous deux du même espace civique pour exister et prospérer. Et sans médias indépendants posant les bonnes questions, fournissant des informations vérifiées, dénonçant les actes répréhensibles et les violations des droits humains et demandant des comptes à ceux qui détiennent le pouvoir, il n’y a pas d’espoir pour la démocratie voulue par la société civile.

NOS APPELS À L’ACTION

  • Les États doivent s’abstenir de vilipender, de poursuivre ou de criminaliser les professionnels des médias ou d’entraver le travail journalistique de quelque manière que ce soit.
  • Les États doivent garantir la sécurité des professionnels des médias, notamment en mettant en place des mécanismes de protection dotés de ressources suffisantes et en mettant fin à l’impunité des crimes commis à l’encontre des journalistes.
  • La société civile devrait collaborer avec les médias indépendants pour défendre les libertés de la presse et dénoncer les violations.

Photo de couverture avec l’aimable autorisation de Carlos Ernesto Choc