La semaine annuelle de haut niveau des Nations unies (ONU) débute le 22 septembre avec un agenda particulièrement chargé. La société civile nourrit l’espoir que des avancées soient réalisées concernant la reconnaissance de l’État palestinien lors de l’un des événements clés, considérée comme un pas vers la construction de la paix et le respect des droits. Mais, une fois encore, elle se voit exclue des sessions. Cette année, elle se voit notamment refuser le droit de parole sur la réforme de l’ONU et les mesures d’efficacité discutées dans le cadre de l’initiative ONU80. Sous prétexte d’améliorer l’efficacité, le risque est réel que l’espace déjà limité accordé à la société civile se réduise encore, fragilisant la capacité de l’ONU à répondre aux défis mondiaux croissants.

Alors que les délégations du monde entier convergent vers New York pour la semaine d’ouverture de haut niveau de l’Assemblée générale, l’ONU traverse l’une de ses crises les plus profondes depuis sa création il y a 80 ans. L’Assemblée générale de cette année, ostensiblement consacrée au développement, aux droits humains et à la paix, se tient dans un contexte de conflits armés sur plusieurs continents, d’objectifs climatiques encore largement hors de portée et d’une institution chargée de relever ces défis affaiblie par des coupes budgétaires et des retraits politiques.

Une commission de l’ONU a récemment conclu qu’Israël commettait un génocide à Gaza, tandis que l’État israélien a intensifié sa campagne de violence en bombardant le Qatar. Parallèlement, la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine menace de s’étendre, avec le récent lancement de drones contre la Pologne. Les conflits se poursuivent dans de nombreux autres pays, malgré la mission fondamentale de l’ONU visant à garantir la paix, la sécurité et le respect des droits humains.

L’administration Trump a abandonné le multilatéralisme au profit d’accords bilatéraux transactionnels, tout en menant une campagne visant à réduire le financement de l’ONU et des initiatives de la société civile. Le gouvernement américain a également rejeté les Objectifs de développement durable (ODD), ces engagements ambitieux adoptés en 2015, mais encore loin d’être atteints.

Ces crises multiples et interconnectées exigent une ONU efficace et puissante, mais elles rendent paradoxalement cette efficacité moins probable.

La Palestine à l’ordre du jour

La semaine de haut niveau constituera un premier test : les États devront montrer leur capacité à agir collectivement face à une catastrophe humanitaire. La conférence sur la Palestine et la solution à deux États, organisée par les gouvernements français et saoudien, se tiendra le 22 septembre. Elle pourrait inciter certains États du Nord global qui n’ont pas encore reconnu l’État palestinien à franchir le pas.

Sur les 193 États membres de l’ONU, 147 reconnaissent déjà la Palestine, mais de nombreux pays du Nord global ne l’on pas encore fait. Depuis l’offensive israélienne sur Gaza en réponse aux attentats du Hamas en octobre 2023, dix nouveaux États ont accordé leur reconnaissance.

La pression s’intensifie. L’Arabie saoudite et la France ont convoqué la première session du sommet fin juillet. Plusieurs autres États ont exprimé leur intention de reconnaître la Palestine dans la déclaration du sommet, tout en imposant certaines conditions. Une résolution de l’Assemblée générale du 12 septembre, approuvant une solution à deux États et appelant à un cessez-le-feu immédiat ainsi qu’à la création d’un État palestinien souverain, a obtenu le soutien de 142 États. Parmi ceux susceptibles de se joindre à la France le 22 septembre figurent l’Australie, le Canada, le Japon, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni.

Ils devront faire face à l’opposition farouche du gouvernement américain, qui a refusé des visas aux responsables palestiniens et pourrait utiliser son droit de veto au Conseil de sécurité pour empêcher la Palestine de devenir membre à part entière de l’ONU. Pourtant, le sommet représente une rare opportunité de mettre Israël en position d’isolement sur la scène internationale et de démontrer la valeur de l’ONU comme forum d’action morale collective.

La reconnaissance diplomatique de la Palestine ne suffira pas à elle seule à empêcher Israël de commettre des violations flagrantes des droits humains. Les États qui la reconnaissent doivent prendre d’autres mesures, notamment suspendre la fourniture d’armes à Israël et geler la coopération économique. Cette reconnaissance exerce néanmoins une pression diplomatique sur Israël et marque un soutien clair à la solution à deux États, offrant aux autorités palestiniennes davantage de leviers pour obtenir du soutien face aux atteintes aux droits humains. Les États du Nord global qui ont refusé de reconnaître la Palestine devraient saisir cette opportunité.

Le climat et le financement à l’ordre du jour

Parmi les autres événements majeurs figure le Sommet sur le climat du 24 septembre, destiné à accélérer l’action avant la COP30 en novembre. Avec seulement quatre heures allouées, peu de progrès peuvent être attendus sur les engagements de l’Accord de Paris, encore largement ignorés. La réunion pourrait toutefois être l’occasion de faire pression sur les États pour qu’ils soumettent enfin leurs plans révisés, attendus depuis longtemps, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation aux effets du changement climatique.

Le même jour se tiendra le Sommet pour une économie mondiale durable, inclusive et résiliente, centré sur l’amélioration de la mise en œuvre des ODD. Mais les processus mondiaux existants ont déjà montré leurs limites, la Conférence Internationale sur le Financement du Développement n’ayant pas permis de véritables avancées. Avec l’effondrement du financement des donateurs, il est peu probable qu’une réunion d’une seule journée à New York puisse produire de changements significatifs.

Le 25 septembre marquera le lancement d’un dialogue mondial sur la gouvernance de l’intelligence artificielle (IA), une étape qui pourrait s’avérer décisive étant donné les multiples répercussions de cette technologie sur les droits humains et le fait que sa régulation reste largement insuffisante. Étant donné que les systèmes d’IA opèrent au-delà des frontières, les gouvernements nationaux ne peuvent à eux seuls encadrer efficacement cette technologie, ce qui rend ce dialogue d’autant plus crucial. Un autre événement potentiellement important, le 30 septembre, portera sur les violations des droits humains à l’encontre des minorités, en mettant l’accent sur les Rohingyas dans le Myanmar dirigé par l’armée.

Qu’est-il advenu du Pacte pour l’avenir ?

La session de l’année dernière a toutefois mis en lumière les limites des sommets mondiaux organisés par l’ONU. Le Sommet de l’avenir, une réunion spéciale de deux jours qui marquait la fin de deux années de consultations et de négociations, visait à adopter trois textes : le Pacte pour l’avenir, la Déclaration sur les générations futures et le Pacte mondial pour le numérique.

Présenté comme un moyen de revitaliser l’ONU dans des temps difficiles en en rapide évolution, le sommet visait à renforcer la coopération internationale sur les défis majeurs, combler les lacunes en matière de gouvernance mondiale et réaffirmer la Charte des Nations unies et d’autres engagements mondiaux cruciaux, tels que les ODD. Le rapport « Notre programme commun », du secrétaire général des Nations unies António Guterres en 2021, avait pour ambition de stimuler la coopération internationale et de réformer les Nations unies. Mais cette ambition s’est progressivement estompée au fur et à mesure que le processus avançait.

Malgré des doutes fondés quant à la nature vague et générale des thèmes abordés lors du sommet et au manque d’adhésion de certains États puissants, la société civile a tenté de participer activement. Mais le processus n’a pas adopté l’approche ouverte, participative et inclusive nécessaire.

Le pacte contenait certains aspects positifs, notamment des propositions visant à élargir, à défaut de réformer complètement, le Conseil de sécurité, ainsi qu’un engagement à analyser les impacts des dépenses militaires sur la réalisation des ODD, démarche qui a donné lieu à un rapport récent. Dans l’ensemble, cependant, le pacte s’est avéré décevant : riche en déclarations générales, il manquait cruellement de mesures concrètes. Il abordait peu la question de l’espace civique, et les propositions de réforme de l’ONU formulées par la société civile ont été largement ignorées.

Un autre problème majeur résidait dans l’absence de plan de mise en œuvre. Bien que le pacte comporte 56 engagements, aucune feuille de route détaillée n’accompagnait ces objectifs. En mars, le secrétaire général Antonio Guterres a mis en place plusieurs groupes de travail et, en mai, les États ont échangé des idées sur le suivi au niveau national. Le sommet économique prévu le 24 septembre est l’un des engagements du pacte, qui doit se tenir tous les deux ans. Mais tout cela semble largement insuffisant compte tenu des ambitions initiales déclarées du sommet.

Une évaluation des progrès réalisés est prévue pour 2028, mais d’ici là, l’ONU aura un nouveau secrétaire général et de nombreux autres événements mondiaux urgents seront survenus. Sans un plan de mise en œuvre solide, accompagné des ressources nécessaires, les sommets risquent de tomber rapidement dans l’oubli. Une forte implication et une adhésion de la société civile sont essentielles, car celle-ci veille au respect des engagements internationaux et tient les États ainsi que l’ONU responsables de leurs actions. Or, ce processus a cruellement manqué de cette implication, et un an après la conclusion du pacte, celui-ci a largement disparu de l’agenda international.

Les coupes budgétaires pèsent lourdement

L’attention s’est plutôt portée sur l’initiative UN80, lancée en mars. Présentée comme un processus de réforme à l’occasion du 80ème anniversaire de l’ONU, elle s’apparente en réalité davantage à une mesure d’efficacité guidée par des impératifs budgétaires que par une véritable volonté de transformation. La réduction de l’aide des donateurs – non seulement des États-Unis, mais aussi d’autres bailleurs traditionnels tels que l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, souvent au profit des dépenses militaires – a un impact mondial considérable. L’ONU pâtit à la fois du retard, parfois prolongé, dans le versement des obligatoires par certains États, et du sous-financement chronique des initiatives dépendant d’un soutien volontaire supplémentaire.

En ce qui concerne les contributions obligatoires, les dettes les plus lourdes incombent aux puissances majeures : les États-Unis en tête, avec environ 1,5 milliard de dollar d’arriérés, suivis de la Chine, qui doit près de 600 millions. À cela s’ajoute le manque de financements volontaires, qui frappe particulièrement le domaine des droits humains – historiquement le plus sous-doté au sein de l’ONU. En juin, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a annoncé que 18 activités mandatées par les résolutions du Conseil des droits de l’homme ne seraient pas mises en œuvre en raison de contraintes budgétaires. Dans un monde déchiré par des conflits révoltants, les enquêtes des Nations unies sur les droits humains en Palestine, au Soudan et en Ukraine fonctionnement très en deçà de leur capacité nécessaire.

Les déficits de financement, aggravés par les retraits successifs de l’administration Trump des principaux organes et accords onusiens, ont contraint l’ONU à envisager une réduction budgétaire de 20% en 2026. Une telle coupe pourrait se traduire par la suppression de quelque 7 000 emplois sur un effectif total de 35 000 personnes, la fusion de certaines agences, la fermeture de bureaux voire la délocalisation de fonctions entières vers des sites jugés moins coûteux.

Certes, l’ONU demeure une machine lourde et bureaucratique, et il serait surprenant qu’aucune économie d’efficacité ne puisse être réalisée. Le transfert d’une partie du personnel des centres coûteux du Nord global vers des sites moins onéreux du Sud global pourrait par ailleurs permettre aux organes et aux équipes onusiennes de mieux appréhender les perspectives du Sud global et de faciliter la participation des organisations de la société civile, souvent empêchés de se rendre dans les sites clés de Genève et de New York, en particulier compte tenu des nouvelles restrictions de voyage imposées par l’administration Trump. Mais il ne s’agit pas de l’objectif premier de ces délocalisations.

Ces réductions budgétaires signifient que l’ONU se voit contrainte de réduire son action, alors même que les défis à relever sont plus pressants que jamais. Les décisions concernant les priorités de l’ONU ne peuvent être laissées aux seuls États membres ou à la bureaucratie onusienne : la société civile doit pouvoir jouer un rôle dans le processus.

La société civile dispose déjà d’un accès bien trop limité aux processus de l’ONU. Lors de la semaine de haut niveau, même les organisations de la société civile normalement accréditées sont exclues des événements. Les processus de réforme tels que le Sommet de l’avenir, n’ont guère offert de meilleures conditions de participation. Les propositions de la société civile visant à améliorer la situation – à commencer par la création d’un envoyé spécial pour la société civile, une innovation peu coûteuse qui aurait permis de coordonner la participation de la société civile au sein de l’ONU – ont été écartées.

Aujourd’hui, il existe un risque réel que l’espace déjà limité dont dispose la société civile soit encore restreint. Sous couvert d’efficacité, l’ONU pourrait en réalité devenir moins efficace, en se recentrant davantage sur les États et en se montrant plus réticente à faire respecter le droit international en matière de droits humains. Les États qui violent systématiquement les droits fondamentaux auraient tout à gagner d’un tel affaiblissement des mécanismes de contrôle.

La société civile incarne une voix essentielle dans tout débat sur le rôle que l’ONU doit jouer et sur la manière dont elle peut être rendue apte à remplir sa mission. Son inclusion est une urgence absolue si l’ONU veut garder une chance d’honorer la promesse faite lors de sa création : servir non pas les seuls États mais bien « nous, les peuples ».

NOS APPELS À L’ACTION

  • Les Nations Unies doivent permettre aux organisations de la société civile accréditées d’accéder sans restriction à tous les événements organisés lors de la semaine de haut niveau.
  • Les Nations Unies et les États qui les soutiennent doivent permettre à la société civile de jouer pleinement son rôle dans les processus de réforme et d’efficacité de l’ONU.
  • Les États qui ne l’ont pas encore fait doivent accorder sans délai leur reconnaissance diplomatique à l’État palestinien.

Pour des entretiens ou de plus amples informations, veuillez contacter research@civicus.org

Photo de couverture par Angela Weiss/AFP