Les 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre (VBG), du 25 novembre au 10 décembre, ont marqué l’aboutissement d’efforts féministes menés sur le terrain tout au long de l’année. Au Kenya, les manifestations #EndFemicideKE en janvier ont abouti à de nouveaux engagements du gouvernement, malgré une répression policière persistante. En Argentine, les manifestations #NiUnaMenos se sont renouvelées en juin face aux réactions violentes des groupes anti-droits. En juillet, des manifestants australiens ont dénoncé la culpabilisation des victimes, tandis que des manifestations contre les VBG ont éclaté en Inde en août après l’assassinat d’une jeune femme médecin. En France, en septembre, des milliers de personnes se sont rassemblées pour soutenir une survivante de viol. Malgré une montée des réactions hostiles et des restrictions de l’espace civique, les mouvements féministes ont maintenu la pression en manifestant dans les rues, en menant des campagnes en ligne et des actions de plaidoyer.

Le 10 décembre, Journée internationale des droits humains, a marqué le point culminant des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre (VBG), avec une campagne mondiale annuelle qui vise à sensibiliser à la violence contre les femmes en tant que violation des droits humains et à exiger des mesures pour y mettre fin.

La campagne a débuté le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, avec des mobilisations de masse. Les femmes sont descendues dans la rue dans tous les pays d’Amérique latine, de l’Argentine au Mexique, et en Europe, du Portugal à la Turquie. Les défenseurs des droits des femmes et leurs alliés se sont également mobilisés dans certains pays d’Afrique, notamment au Kenya et en Afrique du Sud, et en Asie, notamment en Indonésie.

Les manifestations ont été pacifiques et le droit de rassemblement a été largement respecté, à l’exception notable de la Turquie, où une manifestation prévue à Istanbul a été interdite. Les forces de sécurité turques ont dispersé les manifestants et procédé à des arrestations. Au Kenya, la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. Ces deux réactions sont malheureusement habituelles de la part de la police face aux manifestations.

Le slogan de la campagne des Nations unies (ONU) était « Toutes les 10 minutes, une femme est tuée. #PasDExcuse. Tous UNiS pour mettre fin à la violence contre les femmes ». La campagne a également mis en avant le lancement d’un rapport mondial sur les féminicides, publié par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime et ONU Femmes. Sur le terrain, les manifestants ont souligné les chiffres alarmants sur les féminicides, rapportés par l’ONU et les organisations nationales de surveillance, souvent issues de la société civile, qui prennent le relais lorsque les gouvernements ne le font pas. Les manifestants ont aussi exigé des actions concrètes pour protéger les femmes et sanctionner les auteurs.

Selon le contexte, les efforts de la société civile pour dénoncer les féminicides se sont accompagnés de revendications liées à la discrimination juridique ou professionnelle, au harcèlement de rue, au cyberharcèlement et au viol. La société civile demande des réponses allant des plus immédiates, comme des boutons d’alerte et des foyers sécurisés, aux changements plus systémiques et durables pour démanteler les normes profondément enracinées qui soutiennent, légitiment et perpétuent les VBG.

Action tout au long de l’année

La journée officielle de commémoration désignée par l’ONU comme le début de la campagne mondiale de 16 jours a servi de point de ralliement stratégique pour des actions coordonnées visant à attirer l’attention sur les VBG. Mais les mobilisations du 25 novembre et la campagne qui a suivi ont été l’aboutissement d’un an d’efforts déployés par des féministes du monde entier pour dénoncer les injustices de genre et exiger le droit de toutes les femmes à vivre libres de toute violence.

Le premier moment de mobilisation mondiale a eu lieu le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des femmes, avec des rassemblements dans des pays de tous les continents, souvent pour dénoncer les multiples formes de violence basée sur le genre qui perpétuent l’inégalité. Ce fut particulièrement le cas au Mexique, où 180.000 femmes ont défilé dans la ville de Mexico, et bien plus encore dans tout le pays, pour exprimer leur indignation face aux plus de 800 féminicides enregistrés l’année précédente. De même, dans la capitale colombienne, Bogotá, les femmes sont descendues en masse dans les rues en réponse à une récente augmentation des féminicides : 32 cas recensés rien que sur les deux premiers mois de l’année.

Lorsqu’elles se sont mobilisées, que ce soit le 8 mars ou le 25 novembre, les femmes du monde entier ont également exprimé leur solidarité avec celles qui subissent la violence de genre exacerbée par les conflits ou vivent sous des régimes oppressifs de ségrégation de genre, où elles ne sont pas libres de s’exprimer.

Au-delà de ces dates emblématiques, l’année a été ponctuée de mobilisations contre les VBG, souvent déclenchées par des cas très médiatisés de féminicides qui, grâce à des années de travail des organisations de défense des droits des femmes, sont de plus en plus reconnus non pas comme inévitables, mais comme des violations flagrantes des droits humains qui doivent être éradiquées.

L’appel à mettre fin aux féminicides au Kenya

Au Kenya, le mois de janvier a été marqué par une vague de manifestations sous la bannière #EndFemicideKE, déclenchée par une série de féminicides qui ont indigné l’opinion publique. L’organisation de la société civile, Femicide Count Kenya, a recensé 10 féminicides rien que ce mois-là, et un total de 504 cas entre 2019 et 2024. D’autres organisations de la société civile, comme le Centre d’éducation et de sensibilisation aux droits humains et la Fédération des femmes juristes, ont joué un rôle clé dans l’organisation des manifestations et des campagnes de plaidoyer.

Plus de 20.000 personnes ont participé à des marches dans la capitale, Nairobi, et dans d’autres villes à la fin du mois de janvier, condamnant la crise immédiate des féminicides et les problèmes de longue date dans le traitement des cas de VBG par la police et la justice, et demandant au gouvernement d’agir. Parallèlement, la campagne en ligne a connu un succès considérable, avec de nombreux témoignages et appels à la redevabilité.

Entre août et novembre, la police a signalé 97 nouveaux cas de féminicides. À la suite d’un rapport accablant de la Commission nationale des droits humains du Kenya, publié le 20 novembre, le président William Ruto a déclaré que la violence basée sur le genre était « tragique et inacceptable » et a promis des fonds pour lutter contre les féminicides. Toutefois, la réponse du gouvernement a été largement critiquée, notamment après l’évasion d’un suspect qui a avoué avoir tué 42 femmes, ainsi qu’au recours à la violence policière contre les manifestants anti-féminicides le 25 novembre et le 10 décembre.

Le mouvement des femmes continue de réclamer de meilleures enquêtes et poursuites dans les cas de VBG, la mise en œuvre de lois protégeant les droits des femmes, la création d’une unité spéciale pour traiter les cas de féminicides, la création de programmes d’éducation sur les VBG et le financement de services de soutien pour les survivantes.

Des voix en première ligne

Wangechi Wachira est directrice exécutive du Centre d’éducation et de sensibilisation aux droits humains, une organisation féministe kenyane de défense des droits des femmes.

 

Nous avons exhorté le président à publier une déclaration reconnaissant les VBG et les féminicides comme une crise nationale nécessitant une réponse d’urgence. Une telle déclaration doit être accompagnée de rapports annuels présentés lors du discours sur l’état de la nation, décrivant les mesures prises pour combattre ce problème.

Nous demandons également au gouvernement de mettre en place une enquête publique nationale et un examen officiel des événements ou des actions ordonnées par un organe gouvernemental pour tous les cas de féminicides, afin de suivre et de garantir la redevabilité.

Compte tenu du manque de données officielles intégrées, nous demandons également au gouvernement d’améliorer la collecte de données sur les féminicides et les VBG, en les alignant sur les cadres internationaux. Ces données sont essentielles à l’élaboration de politiques fondées sur des preuves et pour des réponses efficaces du système de justice pénale.

En outre, nous demandons un financement accru des programmes de prévention des VBG et exigeons un processus de nomination inclusif pour tous les postes publics, garantissant la représentation des organisations féministes de base et des groupes de jeunes.

 

Ceci est un extrait de notre conversation avec Wangechi. Pour lire l’intégralité de l’entretien (en anglais), cliquez ici.

#NiUnaMenos en Argentine et au-delà

Dans les grandes villes d’Argentine, les femmes ont défilé pour la neuvième année consécutive le 3 juin sous la bannière #NiUnaMenos (« Pas une [femme] de moins »). Sur fond de réaction antiféministe, une tendance régionale particulièrement visible en Argentine, où elle provient désormais des plus hautes sphères du pouvoir, les manifestantes ont dénoncé de multiples formes de violence, notamment les féminicides, la montée des discours de haine, la désinformation anti-genre et les reculs des politiques de genre sous l’administration d’extrême-droite du président Javier Milei.

Trois jours plus tard, le gouvernement a annoncé la fermeture de l’ancien ministère des Femmes, qu’il avait auparavant rétrogradé et placé sous la tutelle du ministère de la Justice. Peu après, le gouvernement a également fermé l’Institut national de lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme, que Milei a qualifié de « sinistre ».

La marche traditionnelle #NiUnaMenos a également eu lieu dans l’Uruguay voisin, où des collectifs féministes ont mis en lumière les féminicides, les disparitions et les violences sexuelles, tout en critiquant l’attitude de l’État qui détourne le regard. Ces collectifs ont également défendu la loi no 19 580 relative à la violence contre les femmes fondée sur le genre, promulguée en 2018, contre des amendements proposés qui l’affaibliraient, exigeant son application intégrale.

La loi prévoit des politiques globales pour prévenir les violences, punir les agresseurs, protéger et prendre en charge les victimes, et leur fournir des soins et des réparations. Elle couvre diverses formes de violence, notamment les violences symboliques, obstétriques et sur le lieu de travail, et s’applique explicitement à toutes les femmes sans discrimination, y compris sur la base de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou d’un handicap. L’inclusion des femmes transgenres est l’une des principales raisons pour lesquelles la loi est attaquée par des groupes anti-droits.

Au Costa Rica, l’augmentation signalée des VBG a conduit une coalition de groupes féministes et de défense des droits des femmes, d’organisations de gauche, d’étudiants et de militants indépendants à appeler à une mobilisation massive contre la violence patriarcale, sous la bannière #NiUnaMenos, le 13 juillet. Partout sur le continent, de nombreuses autres mobilisations ont eu lieu sous cette bannière #NiUnaMenos en 2024, principalement le 25 novembre.

L’Australie contre la culpabilisation des victimes

En juillet, l’Australie a connu une vague de manifestations contre les VBG, avec des manifestations dans de nombreuses villes, dont Canberra, Darwin, Gold Coast, Hobart et Melbourne. Les rassemblements organisés par le groupe What Were You Wearing (« Qu’est-ce que tu portais ? ») ont réuni des centaines de personnes, parmi lesquelles des survivantes, des familles de victimes, des responsables politiques et des membres de la communauté. Les manifestations ont eu lieu à la lumière de statistiques alarmantes : 54 femmes ont été tuées en Australie en 2024 au moment des rassemblements. Les manifestants ont souligné l’urgence de s’attaquer à la culture de la culpabilisation des victimes, avec l’appui de témoignages poignants de personnes directement touchées.

Des manifestations avaient déjà éclaté dans toute l’Australie en avril, lorsque le nombre de féminicides avait atteint 27, ce qui avait incité le Premier ministre Anthony Albanese à déclarer les VBG une « crise nationale » et à promettre d’augmenter les financements pour y faire face. Cependant, les choses n’ont guère changé et les manifestants sont donc redescendus dans la rue pour réclamer à la fois un soutien pratique immédiat et des changements systémiques. Parmi leurs demandes figuraient un financement accru pour les organisations spécialisées dans les violences domestiques et les refuges pour femmes, une formation obligatoire sur les traumatismes pour les premiers intervenants, un soutien renforcé aux programmes de changement de comportement masculin et un durcissement des lois contre les violences domestiques.

Les efforts à long terme des groupes de défense des droits des femmes aborigènes ont porté leurs fruits en 2024. Les femmes aborigènes d’Australie sont sept fois plus susceptibles d’être victimes d’homicide que les femmes non aborigènes et 33 fois plus susceptibles d’être hospitalisées à la suite de violences familiales et domestiques. En août, une enquête sénatoriale sur « les femmes et enfants aborigènes disparus et assassinés » a abouti à dix recommandations adressées au gouvernement. En septembre, ce dernier a annoncé une enveloppe de plusieurs milliards de dollars pour lutter contre les VBG, dont environ 124 millions de dollars consacrés à l’amélioration de la sécurité des femmes et des enfants aborigènes. Le 25 novembre, le gouvernement a annoncé l’inauguration imminente d’un Plan national pour la sécurité des familles aborigènes et celles des îles du détroit de Torres.

Le rejet de la culture du viol en Inde

En août, le viol et le meurtre d’une jeune médecin de 31 ans à l’hôpital RG Kar de Calcutta ont déclenché des manifestations de masse dans tout le Bengale-Occidental, qui ont culminé avec une puissante marche de minuit le jour de l’indépendance de l’Inde. Sous le slogan « Reclaim the night » (« Reprenons la nuit ») des milliers de femmes sont descendues dans les rues, brandissant des torches enflammées et soufflant dans des conques, pour réclamer justice et s’interroger sur le moment où les femmes obtiendront une véritable indépendance. Elles ont souligné que la victime avait été agressée alors qu’elle se reposait pendant son service à l’hôpital, démontrant ainsi que même les femmes exerçant une profession libérale dans des lieux de travail censés être sûrs sont exposées à la violence.

L’incident a déclenché des grèves nationales des médecins qui réclamaient de meilleures mesures de sécurité dans les hôpitaux, tandis que la méfiance croissante à l’égard de l’enquête de la police a conduit au transfert de l’affaire au Bureau central d’enquête fédéral. L’affaire a mis en évidence de graves lacunes en matière de sécurité, l’accusé ayant eu un accès illimité à l’hôpital.

Les manifestants ont exprimé leur frustration face à l’absence de progrès depuis l’affaire historique du viol collectif de Delhi en 2012, soulignant les défaillances institutionnelles persistantes en matière de protection des femmes. Enracinées dans des facteurs culturels, économiques et sociaux profonds, les VBG sont alarmantes par leur fréquence et leur ampleur en Inde. Elles sont également largement sous-déclarées, avec des taux de signalement estimés à seulement 1%. Des recherches menées après l’affaire de Delhi ont toutefois révélé une augmentation significative des signalements à la suite des manifestations, et l’on peut s’attendre à un effet similaire à la suite des récentes manifestations au Bengale-Occidental et de leurs répercussions à l’échelle nationale.

Des voix en première ligne

Kavitha Ravi est membre de l’Indian Medical Association.

 

Des facteurs culturels, sociaux, économiques et juridiques profondément enracinés expliquent la forte prévalence des VBG en Inde. Il s’agit d’un pays patriarcal où les rôles traditionnels des hommes et des femmes et l’assujettissement des femmes sont profondément ancrés. Les femmes, souvent dépendantes économiquement des hommes, se retrouvent piégées dans des relations abusives où il leur est difficile de chercher de l’aide ou de s’échapper. Les cycles intergénérationnels de violence perpétuent le problème, car les enfants qui sont témoins ou victimes d’abus peuvent en venir à considérer ces comportements comme normaux.

Les faibles taux d’alphabétisation, en particulier dans les zones rurales, limitent encore davantage la compréhension qu’ont les femmes de leurs droits et des soutiens disponibles. Lorsqu’elles font appel à la justice, le système ne parvient souvent pas à protéger les victimes ou à tenir les auteurs pour responsables. Les défaillances systémiques de l’application de la loi et de la justice contribuent à perpétuer les VBG. 

De nombreuses initiatives et campagnes ont contribué à mettre en lumière et à traiter ce problème. Mais les progrès restent difficiles. L’absence de volonté politique cohérente et le manque d’efficacité dans l’application des politiques ont empêché tout changement significatif. Les mouvements féministes et de justice sociale se heurtent souvent à la résistance des secteurs conservateurs de la société, ce qui rend difficile le changement de ces normes culturelles profondément enracinées.

Pour lutter efficacement contre les VBG, nous avons besoin d’une approche globale comprenant une meilleure éducation, une réforme juridique, l’autonomisation économique des femmes et un changement culturel. Les organisations de la société civile sont en première ligne de ce combat, plaidant activement en faveur d’un renforcement et d’une meilleure application des lois, et d’une sensibilisation accrue du public. Des efforts continus et solides sont essentiels pour s’attaquer à ce problème répandu et garantir un changement significatif.

 

Ceci est un extrait édité de notre conversation avec Kavitha. Pour lire l’intégralité de l’entretien (en anglais), cliquez ici.

Solidarité avec les survivantes de viol en France

En septembre, au moins 2.000 personnes se sont mobilisées à Paris pour soutenir une survivante de viol et condamner les défaillances systémiques dans le traitement des affaires de violences sexuelles. L’affaire à l’origine des manifestations était d’une horreur indescriptible : Gisèle Pelicot, 71 ans, a été droguée régulièrement par son mari pendant des années, ce qui a permis à des dizaines d’hommes de la violer alors qu’elle était inconsciente, tandis que son mari filmait les agressions. Le procès concernait 52 accusés, dont le mari et 51 hommes soupçonnés d’avoir participé aux viols. Le fait qu’ils aient tous été perçus comme des membres respectables de la communauté a mis en évidence l’ampleur de la normalisation de la culture du viol.

Gisèle Pelicot est devenue une icône féministe inattendue lorsqu’elle a demandé que la procédure soit rendue publique, refusant d’avoir honte de ce qu’on lui avait fait subir et choisissant plutôt de dénoncer publiquement ses agresseurs. Les militantes féministes ont souligné l’impact immédiat de son geste : de plus en plus de femmes ont demandé de l’aide en utilisant exactement les mêmes mots, « Je suis Gisèle Pelicot ». Une large couverture médiatique leur a montré qu’elles n’étaient pas seules : ce qu’elles vivaient comme une épreuve individuelle était en réalité un phénomène social. L’impunité qui règne, avec plus de 90% des plaintes pour viol non acceptées et seulement 0,5 % aboutissant à des condamnations, n’est pas une fatalité.

Cette affaire pourrait servir de catalyseur à une réforme juridique. La défense a fait valoir que le consentement n’est pas explicitement requis par la loi française actuelle, qui ne définit le viol qu’en termes de « violence, contrainte, menace ou surprise ». Une proposition de loi visant à inclure le consentement dans la définition légale du viol, jusqu’alors bloquée, a pris un nouvel élan, avec le soutien du ministre de la Justice. Cette démarche s’inscrit dans une tendance régionale : 19 pays européens ont adopté des définitions du viol fondées sur l’absence de consentement.

Les manifestants français ont établi des parallèles avec le traitement par l’Espagne de la tristement célèbre affaire La Manada (« La Meute ») en 2016, où la pression publique a conduit à des peines plus lourdes pour les agresseurs et à des changements législatifs définissant toute activité sexuelle non consensuelle comme un viol. Les manifestants ont critiqué le langage utilisé dans le procès Pelicot, notamment les références du président du tribunal à des « scènes de sexe » plutôt qu’à des viols reflétant un problème beaucoup plus profond lié à la culture du viol au sein du système judiciaire français. Cependant, l’espoir a aussi émergé grâce à la forte présence d’alliés masculins lors des manifestations, un soutien que les militantes féministes jugent crucial pour lutter contre les violences sexuelles et les prévenir.

La lutte continue

Le contexte dans lequel se déroulent les luttes pour les droits des femmes devient de plus en plus difficile dans de nombreuses régions du monde. En plus des contraintes habituelles en matière de ressources et la résistance institutionnelle qui se traduisent généralement par des réponses politiques limitées et lentes, la montée des réactions anti-droits, le recul de la démocratie et les restrictions de l’espace civique font accroitre les risques pour la sécurité des personnes militantes.

Mais personne n’a dit que ce serait facile. Les militantes féministes luttent depuis longtemps contre la violence systémique qui sous-tend les hiérarchies et les injustices de genre, au gré des marées politiques, y compris dans des contextes de conflit, d’autoritarisme et de répression. C’est dans des conditions de démocratie et de paix qu’elles ont réalisé les plus grandes avancées, passant en mode résistance pour contrer les régressions dans des périodes moins favorables.

Et elles continueront à le faire, en ouvrant des fenêtres chaque fois qu’une porte se ferme. Elles continueront à travailler sur tous les fronts : en faisant pression pour des réformes juridiques, en cherchant à changer les mentalités et en soutenant les survivantes. Elles continueront à combiner les manifestations de rue, les campagnes en ligne, l’éducation communautaire et le plaidoyer, dans la mesure où chaque contexte le permet. Pour faire face à l’ampleur de la tâche qui les attend, elles auront besoin de tout le soutien possible, et de tous les alliés qu’elles pourront trouver.

NOS APPELS À L’ACTION

  • Les gouvernements doivent mettre en place des programmes de prévention pour s’attaquer aux causes profondes des violences basées sur le genre, modifier les lois pour mettre l’accent sur le consentement et réformer le système judiciaire pour mieux servir les survivantes et rendre justice aux victimes.
  • Les gouvernements doivent lever les restrictions sur les libertés civiques fondamentales pour permettre aux groupes de défense des droits des femmes de s’organiser et de se mobiliser librement, et augmenter le financement et le soutien pour celles et ceux qui sont en première ligne dans la lutte contre les violences basées sur le genre.
  • Les institutions publiques et privées doivent mettre en œuvre des mesures de sécurité globales pour protéger les femmes dans les espaces publics et sur les lieux de travail.

Pour des interviews ou de plus amples informations, veuillez contacter research@civicus.org

Photo de couverture par Jaime Alekos/Anadolu via Getty Images