Le plan climatique du Vanuatu montre la voie à suivre
Le Vanuatu, pays insulaire du Pacifique, se montre pionnier en matière de changement climatique. Son nouveau plan climatique prévoit une transition rapide vers les énergies renouvelables et de multiples formes d’adaptation au changement climatique. Le pays a déjà un bilan carbone négatif, mais il est extrêmement vulnérable aux impacts tels que l’élévation du niveau des mers et les conditions météorologiques extrêmes. À l’approche du sommet sur le climat COP27, le plan d’action entièrement chiffré du Vanuatu constitue un défi pour les États du Nord les plus responsables du changement climatique. Pendant des années, ils ont traîné les pieds pour financer l’adaptation et la compensation. Le Vanuatu leur a donné le modèle : ils doivent maintenant le soutenir.
Le Vanuatu, pays insulaire du Pacifique avec une population d’environ 300 000 habitants répartis sur quelque 80 îles, est devenue pionnier mondial en matière de climat.
En août, le Vanuatu a publié son nouveau plan climatique, dans lequel le pays s’engage à passer presque entièrement aux énergies renouvelables d’ici à 2030, notamment en utilisant de l’huile de coco pour produire de l’électricité. Mais ils tentent aussi de faire plus que cela, et demandent l’aide des puissants États qui ont la plus grande responsabilité d’agir sur le changement climatique.
Urgence climatique au Vanuatu
Les vanuatais connaissent trop bien les effets du changement climatique. Ils éprouvent les effets progressifs de l’élévation du niveau des mers, qui inondent déjà des terres autrefois arides, à mesure que l’océan avance sur ces îles de faible altitude. Ils ont également connu les grands chocs causés par des conditions météorologiques extrêmes, que le changement climatique rend plus probables.
En 2020, le Vanuatu a été l’un des quatre pays insulaires du Pacifique frappés par le cyclone tropical Harold. Le cyclone a détruit et endommagé des bâtiments et provoqué de fortes inondations ainsi que la perte de récoltes agricoles dont l’économie dépend. Au moins quatre personnes ont été tuées et environ un tiers de la population a été directement touchée. Les dégâts sont estimés à 600 millions de dollars, soit le 60 % du PIB du pays.
La multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes est inévitable : le Rapport sur les risques mondiaux 2021 conclut que le Vanuatu présente le risque de catastrophe le plus élevé au monde.
Le Vanuatu est en train de réagir à cela en s’affirmant de plus en plus dans son rôle mondial. En septembre 2021, le pays a demandé à la Cour internationale de justice, la plus haute instance judiciaire des Nations Unies, de rendre un avis consultatif sur le droit des générations actuelles et futures à être protégées du changement climatique. Maintenant la nation du Pacifique fait pression pour obtenir le vote d’au moins la moitié des États membres de l’ONU afin de faire avancer ce dossier.
En mai 2022, le parlement du Vanuatu a déclaré l’état d’urgence climatique. Mais le gouvernement n’est pas le seul à agir dans ce domaine. La société civile et l’État travaillent en partenariat.
En mars 2021, dans le cadre de la grève mondiale pour le climat, les représentants du gouvernement ont participé à la manifestation organisée par la société civile dans la capitale, Port Vila, Plus de 70 organisations, tant de la société civile comme gouvernementales, entre autres, travaillent ensemble au sein du « Vanuatu Climate Action Network ». La société civile soutient la campagne de la Cour internationale de justice.
Un plan progressif
Le nouveau plan climatique témoigne de la valeur de cette alliance et l’influence de la société civile. Insistant sur le fait que la crise climatique n’est pas un problème futur mais actuel, le plan insiste sur la nécessité de s’adapter. Il appelle à une réponse multiforme aux impacts climatiques. Les mesures proposées comprennent des investissements dans la protection contre les catastrophes, l’amélioration des pratiques agricoles traditionnelles, l’atténuation des risques dans les infrastructures et la construction de bâtiments, ainsi qu’un système de micro-assurances abordables.
Les empreintes de la société civile sont visibles dans la nature inclusive du plan : il tient compte des dimensions de genre dans le changement climatique et du rôle des savoirs traditionnels et de la culture autochtone. Il attribue aux femmes et aux jeunes un rôle clé dans la réponse au changement climatique.
Ce plan place le Vanuatu au cœur d’un débat essentiel à l’échelle mondiale. Pendant des années les instances intergouvernementales organisés autour des sommets annuels sur le climat (les COP), ont traîné les pieds sur la question essentielle du financement de la réponse au changement climatique. Les engagements financiers sont toujours restés inférieurs aux objectifs ciblés, alors même que ceux-ci sous-estiment le financement nécessaire.
La plupart des progrès réalisés jusqu’à présent ont porté sur le financement des mesures d’atténuation, c’est-à-dire des mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit là d’un domaine vital, mais qui se prête habituellement à des interventions sur le marché. En général, cela prend la forme d’investissements dans des initiatives d’énergie renouvelable, dans lesquels les États et les entreprises du Nord ont le plus de chances d’avoir un rendement considérable.
Le soutien est bien moindre pour les adaptations essentielles visant à protéger les communautés des pires impacts du changement climatique. Le financement reste en dessous de la répartition 50/50 que réclament de nombreux États du Sud.
Et il n’y a toujours pas de consensus sur le financement des « pertes et dommages », c’est-à-dire l’indemnisation des pays du Sud pour les impacts du changement climatique causés de manière disproportionnée par l’industrialisation du Nord.
Aucun progrès n’a été réalisé sur ce point lors du dernier sommet sur le climat (COP26) qui s’est tenu au Royaume-Uni en 2021. Les États du Nord restent réticents et considèrent que le financement des dommages et intérêts ressemble dangereusement à des réparations. À l’approche de la COP27, qui se tiendra dans l’espace civique fermé de l’Égypte, les États du Sud exhortent à nouveau les États du Nord à payer leur dû. Le Vanuatu fait partie des États qui demandent la création d’un mécanisme de financement des pertes et dommages.
Le Vanuatu a proposé un modèle. La publication d’un plan d’action chiffré et précis indique ce dont le Vanuatu a besoin et pour quoi faire.
Chaque État signataire de l’Accord de Paris – c’est-à-dire la quasi-totalité des États – doit disposer d’un plan national pour le climat, appelé « contribution déterminée au niveau national » (CDN). Mais les CDN actuelles ne permettront pas d’atteindre l’objectif de l’Accord de Paris – la limitation de l’augmentation de température mondiale à 1,5 degrés. Les conclusions de la COP26 invitent les États à soumettre des plans plus ambitieux d’ici à la COP27.
Mais quasiment aucun ne l’a fait. Le Vanuatu est l’un de seulement 12 pays à avoir soumis un nouveau plan. Le conflit déclenché par la Russie contre l’Ukraine et le chaos économique qui en découle entravent récemment l’action sérieuse contre le changement climatique. L’augmentation des prix du pétrole et du gaz n’a pas suscité non plus une ruée vers les énergies renouvelables. Au contraire, de nombreux grands États ont montré une détermination à extraire davantage de combustibles fossiles nationaux et ont même effectué un retour au charbon, le combustible le plus nuisible de tous.
Un défi pour les donateurs
Contrairement aux États riches du Nord, Vanuatu a déjà un bilan négatif en termes de carbone : ses forêts et ses océans absorbent plus de carbone que le pays n’en produit. Or le pays insulaire souffre de l’injustice inhérente du changement climatique : ceux qui ont le moins contribué au changement climatique en subissent les pires effets.
Le Vanuatu propose maintenant de défier cette injustice. L’une des façons dont les États puissants ont esquivé leur responsabilité est de prétendre qu’un mécanisme de dommages et intérêts serait trop compliqué. Mais le Vanuatu a proposé un modèle : la publication d’un plan d’action chiffré et précis indique ce dont le Vanuatu a besoin et pour quoi faire.
Son estimation des dommages et intérêts s’élève à environ 178 millions de dollars avant 2030. Le Vanuatu demande maintenant aux donateurs de démontrer leur engagement en finançant leur plan d’action.
Il s’agit d’un véritable test pour le nouveau gouvernement australien, qui est arrivé au pouvoir en mai à la suite d’une élection où le changement climatique a occupé une place importante. Le gouvernement australien s’est engagé à la fois à améliorer le triste bilan de son prédécesseur de déni climatique, et à reconstruire les relations avec les nations insulaires du Pacifique – notamment pour tenter de contrer les tentatives de la Chine d’accroître son influence régionale. Les États insulaires du Pacifique réclament un engagement en matière de climat. Aucune tentative de construction de relations dans la région ne devrait pouvoir se passer de cela.
Le Vanuatu ouvre la voie. S’il existe un espoir d’empêcher le changement climatique de devenir incontrôlable, le monde doit suivre.
NOS APPELS À L’ACTION
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Les donateurs mondiaux du Nord doivent s’engager à soutenir financièrement le plan climatique du Vanuatu.
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Le plan climatique du Vanuatu devrait servir de modèle pour l’élaboration de plans climatiques plus ambitieux par d’autres États avant la COP27.
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De véritables progrès sur le financement de l’adaptation et des dommages et intérêts doivent être réalisés lors de la COP27.
Photo de couverture par l’Initiative ICJ Vanuatu