Les Jeux olympiques d’hiver en Chine sont les derniers d’une longue série de tentatives d’États répressifs de blanchir leur réputation internationale en organisant des événements sportifs de haut niveau. Par le biais du sportswashing (ou « blanchiment par le sport »), les gouvernements autoritaires cherchent à faire bonne figure en focalisant l’attention sur les prouesses sportives et en la détournant des violations des droits humains commises. C’est ce qui a motivé l’organisation par le Qatar de la Coupe du monde de football de 2022 et le récent rachat par l’Arabie saoudite du club de football anglais de Premier League Newcastle United. Mais de plus en plus, les militants s’efforcent d’utiliser le pouvoir du sport contre les régimes répressifs, en cherchant à utiliser des événements très médiatisés pour mettre ces régimes dans l’embarras quant à leur bilan en matière de droits humains.

Sous le regard du monde entier, le gouvernement chinois espère que les Jeux olympiques d’hiver se dérouleront sans embûches. Les règles strictes imposées en raison de la pandémie, qui limitent le nombre de participants, perturberont sans doute le spectacle. Mais la Chine s’efforcera de faire en sorte que l’attention du monde entier se porte sur ses infrastructures sportives ultramodernes et son efficacité hors pair, et espère faire bonne figure au tableau des médailles. Elle fera tout son possible pour que rien d’autre n’attire l’attention, et certainement pas les violations généralisées des droits humains qu’elle a perpetrées.

Une olympiade sous contrainte

Le Comité international olympique (CIO) a longtemps cherché à empêcher les athlètes d’exprimer leurs opinions depuis le podium, insistant sur le fait que les Jeux devaient en quelque sorte être exempts de toute politique. La Règle 50 du CIO, très controversée, interdit toute démonstration politique dans les sites olympiques. Et il a trouvé en la Chine un partenaire extrêmement bien disposé.

Les Jeux olympiques d’hiver s’inscrivent dans le contexte d’une nouvelle attaque contre les libertés, à l’approche du Congrès national du Parti communiste chinois (PCC). Cette réunion au sommet, qui se tient tous les cinq ans, détermine la direction de toutes les instances dirigeantes. La prochaine édition aura lieu en octobre, et celle-ci permettra certainement d’approuver un troisième mandat du président Xi Jinping. Pour éviter toute perturbation en amont, l’État chinois ne se contente pas de réprimer fermement la dissidence, il tente de faire en sorte qu’il soit impossible pour les gens de s’identifier à autre chose qu’au PCC et à lui-même.

À l’approche des Jeux, un responsable chinois a déclaré que toute personne qui enfreindrait les lois chinoises ou agirait « contre l’esprit olympique » – notamment en prenant part à une quelconque forme de manifestation – s’exposerait à « certaines sanctions ». Human Rights Watch a pris la rare initiative d’avertir les sportifs venus participer aux Jeux olympiques qu’ils se mettront en danger s’ils expriment leurs opinions – et que le CIO ne les protégera pas. Le président de la commission des athlètes pour les Jeux a tenu des propos similaires.

Le gouvernement utilise la pandémie à son avantage, les Jeux se déroulant dans une bulle fermée et hermétique qui ne permet aucun contact avec le public chinois. L’application que les personnes doivent obligatoirement installer sur leur téléphone et le potentiel de surveillance qu’elle recèle suscitent des inquiétudes. C’est pourquoi les journalistes sportifs qui se rendront aux Jeux ont indiqué qu’ils utiliseraient des téléphones et des ordinateurs portables neufs dont ils se débarrasseront ensuite. Beaucoup se tiennent complètement à l’écart de l’événement.

Il y a beaucoup de choses sur lesquelles le gouvernement chinois ne veut pas que les sportifs participant aux Jeux, les journalistes et autres personnes présentes portent leur attention, à savoir sa politique croissante d’agression contre Taïwan, sa répression féroce du mouvement démocratique de Hong Kong et ses violations des droits du peuple Ouïghour et des autres minorités du Xinjiang, qui s’apparentent à des crimes contre l’humanité. La Chine ne veut pas que le monde parle des innombrables personnes détenues et torturées. Elle veut seulement que les gens profitent du spectacle et qu’ils retournent dans leurs pays avec une image faussement idyllique de la Chine.

Sport et politique : une relation de longue date

L’espoir de la Chine de blanchir sa réputation internationale par le sport n’est qu’un exemple de la pratique du sportswashing.

L’instrumentalisation des grands événements sportifs dans l’optique de préserver le prestige d’un pays n’a rien de nouveau : les Jeux olympiques de Berlin en 1936 ont offert au gouvernement nazi une occasion unique de promouvoir son abominable idéologie. La junte militaire argentine s’est servie de l’organisation de la Coupe du monde de 1978 pour attiser les sentiments nationallistes en sa faveur et est beaucoup intervenue pendant les Jeux. En effet, le tournoi a été perturbé par des matchs truqués en faveur de l’équipe locale.

Plusieurs États se sont également largement consacrés au développement de leurs athlètes pour tenter de réfléter une image positive d’eux-mêmes sur la scène mondiale. Dans certains cas, les athlètes se sont sytématiquement dopés, comme en Allemagne de l’Est dans les années 1970 et 1980, et plus récemment en Russie.

Malgré les efforts d’organismes comme le CIO, le sport n’a jamais été une arène apolitique. Pendant la guerre froide, les boycotts des Jeux olympiques organisés en Union soviétique et aux États-Unis ont été l’un des nombreux moyens par lesquels les superpuissances ont fait étalage de leur force.

Les événements sportifs ont toujours été l’occasion de contester le statu quo avec véhémence. Le point levé du mouvement « Black Power » effectué par deux athlètes américains depuis le podium des Jeux olympiques de Mexico en 1968 a marqué de façon indélébile la société. Plus récemment, le joueur de football américain Colin Kaepernick a commencé à protester contre le racisme et les violences de la police en 2016 en posant un genou à terre. Ce geste est désormais repris par les équipes avant le début de chaque match du championnat anglais de Premier League (EPL).

En 2021 et 2022, les sportifs participant aux Jeux et les spectateurs ont utilisé le pouvoir du sport pour défendre les droits de l’un des leurs : la star chinoise du tennis Peng Shuai, dont les apparitions publiques sont strictement limitées et contrôlées depuis qu’elle a déclaré avoir été victime d’abus sexuels par un haut responsable du PCC. Lors de l’Open d’Australie, en janvier dernier, des spectateurs ont d’abord été expulsés pour avoir porté des t-shirts sur lesquels était écrit « Where is Peng Shuai », mais ont ensuite été autorisés à revenir lorsque des joueurs de tennis ont condamné la censure et exprimé leur soutien à la campagne de protestations. En revanche, le CIO n’a rien fait pour défendre Peng Shuai, une décision politique qui, de toute évidence, vise à éviter toute opposition au gouvernement chinois.

Si la politique a toujours été présente, un changement a toutefois été observé au cours des dernières années : un nombre croissant de régimes tentent de redorer leur réputation par le sport, et ce, de manière plus flagrante. Il ne s’agit pas seulement de la Chine : à l’heure actuelle, de plus en plus d’États qui répriment fortement les droits humains investissent leur argent dans des événements sportifs pour tenter de se donner bonne figure.

Prenez, par exemple, le programme du Grand Prix de Formule 1 2022-2023, qui débute à Bahreïn en Arabie saoudite pour finir aux Émirats arabes unis en passant par l’Azerbaïdjan : tous les pays mentionnés ont un espace civique fermé, et la plupart d’entre eux viennent d’être intégrés plus ou moins récemment au calendrier des courses.

L’Azerbaïdjan, un pays dirigé par un président qui a hérité du pouvoir de son père et qui n’a jamais tenu d’élections honnêtes, a également utilisé les revenus provenant des combustibles fossiles pour accueillir les premiers Jeux européens. La deuxième édition a été accueillie avec fierté par le président autocrate de la Biélorussie, Alexander Lukashenko, qui a beaucoup investi dans le sport et n’a pas hésité à pénaliser les nombreux athlètes opposés à son régime brutal.

Un pays au ban des nations achète un club de football

L’Arabie saoudite utilise également ses revenus du pétrole pour se donner bonne figure. Tout portait à croire que le royaume ainsi que son dirigeant de facto, le prince héritier Muhammad bin Salman, allaient être mis au ban de la société après l’assassinat notoire, en 2018, du journaliste Jamal Khashoggi dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul. Mais c’était sans compter le pouvoir de l’argent, qui peut acheter le pardon.

Le fonds souverain de l’Arabie saoudite, le Fonds d’investissement public (FIP), est de plus en plus utilisé par le prince héritier pour consolider son pouvoir et acquérir de l’influence. En 2015, le FIP a été placé sous la direction du Conseil des affaires économiques et du développement, une institution contrôlée par Muhammad bin Salman. Les membres du conseil d’administration du FIP sont soigneusement sélectionnés par le prince.

Alors que de nombreux investissements du FIP ont été réalisés dans des secteurs tels que la construction, la finance et la technologie ; en 2021, la société a fait quelque chose d’inhabituel : elle a acheté un club de football. Du jour au lendemain, le club de Newcastle United en Premier League est devenu le plus riche du monde, racheté par un consortium dans lequel le FIP aurait une participation de 80 %. Le dirigeant du FIP est désormais président du club.

Cet achat contestable n’est pas une nouveauté dans l’univers de la Premier League. Seuls trois de ses 20 clubs sont toujours de propriété britannique, et la Premier League permet depuis longtemps à des chefs d’entreprise extrêmement riches d’étaler leur fortune et d’acquérir un statut, quelles que soient les circonstances dans lesquelles ils l’ont acquise. Il s’agit d’une ligne où l’argent permet que tout soit fait sur mesure pour le prince héritier.

Cependant, le rachat du club par les Saoudiens était en suspens depuis 2020, les autorités de la Premier League se disant préoccupées par le rôle des Saoudiens dans le piratage des matchs télévisés et n’étant pas non plus convaincues que le club serait indépendant de l’État saoudien. Le gouvernement a fermé les yeux sur le premier point, levant l’interdiction frappant les diffusions par le détenteur des droits télévisés (qatari), tandis que la chaîne de télévision saoudienne pirate a fermé ses portes. Quant à la question de savoir qui contrôle le FIP et à qui le nouveau président du club Newcastle United doit rendre des comptes, la réponse est la suivante : rien n’a changé. Il semble que, depuis le début, il ne s’agissait que de protéger les revenus de la télévision.

Pour le FIP, dont les actifs sont estimés à quelque 48 milliards de dollars, les 400 millions de dollars environ qu’il a fallu pour acheter le club ne sont que de la monnaie. Pour les supporters de Newcastle United, ce changement de propriétaire revenait à gagner à la loterie. Longtemps aux prises avec un propriétaire frugal et impopulaire, les supporters peuvent maintenant rêver de succès. Des joueurs de classe mondiale vont certainement suivre.

Et déjà, Muhammad bin Salman se fait des amis. En football, la forte identification des supporters à leurs clubs en fait de parfaits candidats au sportswashing. Le transfert de propriété a donné lieu à des scènes de chants et de danses à Newcastle. Malheureusement, même le groupe de supporters LGBTQI+ du club a publié une déclaration dans laquelle il se félicite du changement de propriété et espère qu’il aura une influence positive – un espoir bien mince dans un pays où les relations homosexuelles sont passibles de la peine de mort. Certains supporters ont ajouté le drapeau saoudien dans leurs profils sur les réseaux sociaux, ont partagé des photos de Muhammad bin Salman – ils semblent savoir clairement qui est leur véritable bienfaiteur – et ont défendu le régime contre les critiques. Certains s’en sont même honteusement pris à la veuve de Khashoggi, Hatice Cengiz, en ligne. Ils se sont improvisés en tant que soldat dans une guerre où la réputation d’un pays est en jeu.

Lorsque le club Newcastle United commencera à gagner des matchs, bon nombre de spectateurs n’associeront pas l’Arabie saoudite à l’assassinat de Jamal Khashoggi, à son rôle dans le bain de sang au Yémen, à l’exécution de dissidents ou à l’emprisonnement de militantes des droits des femmes, car une sombre façade de succès dans le domaine du sport obscurcira la limpidité des nombreuses violations commises par la machine de répression de Muhammad bin Salman.

Le cas du club de Newcastle United n’est pas le premier et ne sera pas le dernier. Le recours à une société écran pour dissimuler formellement les investissements d’un État dans la diplomatie en matière de sport n’est pas une nouveauté non plus. En Premier League, le club de Manchester City, autrefois en difficulté, a remporté une série de titres grâce à l’argent de la société Abu Dhabi United Group, créée par une personne qui se trouve être le vice-premier ministre des Émirats arabes unis et un membre de la famille royale d’Abu Dhabi.

Le Paris St Germain domine la Ligue 1 française grâce aux largesses de Qatar Sports Investments, une filiale du fonds souverain du Qatar. Un club de football de haut niveau est désormais devenu un accessoire essentiel pour les États riches dont l’espace civique est sérieusement restreint.

Une Coupe du monde tachée de sang

Cette année sportive qui commence par les Jeux olympiques d’hiver se terminera par la Coupe du monde, l’événement phare du football, organisé tous les quatre ans. Lors d’une décision surprise en 2010, le Qatar a été choisi comme hôte de l’événement.

On ne compte plus les allégations crédibles de corruption dans la décision de l’instance dirigeante du sport, la Fédération internationale de football association (FIFA), de choisir le Qatar. Fait choquant, cette décision est de loin le plus grand scandale.

Les organismes sportifs dans le monde ne sont pas neutres, comme ils aiment le prétendre ; au contraire, en n’agissant pas, ils se rendent complices d’abus.

Lorsque la compétition aura lieu en novembre et décembre prochains, les commentateurs sportifs ne manqueront pas de vanter les mérites des stades de haute technologie construits à cet effet et dans lesquels se dérouleront les matchs. Mais le faste de l’événement ne peut masquer le sang dans lequel il baigne. Le prix à payer ne se limite pas aux pots-de-vin que le gouvernement aurait versés : la vie de milliers de travailleurs migrants est également en jeu.

Travaillant dans un système où leurs droits sont systématiquement bafoués, ce sont des travailleurs migrants originaires de pays tels que le Bangladesh, l’Inde, le Kenya, le Népal, les Philippines et le Sri Lanka qui ont construit les stades, et qui sont morts dans le processus. Il est difficile de chiffrer avec précision le nombre de travailleurs dans le secteur de la construction qui ont perdu la vie. En 2021, il a été signalé que, tous secteurs confondus, plus de 6 500 travailleurs migrants étaient morts depuis l’attribution de la Coupe du monde au Qatar – et ce chiffre était probablement sous-estimé.

L’économie du Qatar dépend entièrement des migrants, qui représentent 95 % de la main-d’œuvre. Mais il semble que le gouvernement les traite comme s’ils étaient des objets jetables. En cas de décès, peu d’autopsies sont pratiquées. Lorsque certains décès sont dus à des accidents lors de constructions, la plupart d’entre eux sont imputés à des causes naturelles et ne sont donc pas considérés comme liés au travail. Mais il est rare que de jeunes hommes en bonne forme physique meurent de causes naturelles. Il est probable que beaucoup d’entre eux soient morts d’épuisement à cause de la chaleur, après avoir fourni un énorme effort physique sous des températures extrêmement élevées. Leur mort, en plus d’être tragique, constitue également une injustice pour leur famille et une situation difficile pour ceux qui dépendaient de leur salaire.

Ces décès ont laissé une trace indélébile. On peut s’attendre à ce que les groupes de défense des droits profitent du coup d’envoi de la Coupe du monde pour mettre en lumière ces décès et d’autres violations des droits au Qatar.

Utiliser la pratique du sportswashing contre elle-même

Le sportswashing comporte une faiblesse intrinsèque : lorsque des États répressifs se mettent sous les feux des projecteurs, ils créent également des occasions de dénoncer les violations de droits. La pression internationale a déjà permis d’obtenir des concessions durement négociées de la part du Qatar. Le système strict de kafala (parrainage) qui permettait le travail forcé a été réformé et un salaire minimum a été établi.

Mais il existe souvent des obstacles à l’organisation de campagnes en faveur des droits humains. À l’instar du CIO, la FIFA dispose de règles strictes interdisant aux sportifs et aux spectateurs d’utiliser les événements pour exprimer des opinions politiques. Et les organismes sportifs dans le monde ont l’habitude d’attribuer des tournois à des pays dont l’espace civique est restreint et où la répression est une seconde nature pour les autorités. En effet, la Coupe du monde du Qatar a été précédée par celle de la Russie. Et c’est la Chine qui aura accueilli les Jeux olympiques d’été et d’hiver.

Mais même lorsque la société civile nationale est réprimée, des groupes mondiaux de défense des droits comme Amnesty International et Human Rights Watch, ainsi que des coalitions comme la Sports and Rights Alliance, tentent de plus en plus de tirer parti des occasions qu’offrent les événements sportifs.

S’il est évident que les grandes instances sportives ne se soucient pas des droits humains, certains sportifs profitent de leur notoriété pour prendre position. La star du tennis Andy Murray a récemment révélé qu’il avait refusé une somme à sept chiffres pour jouer des matchs de démonstration en Arabie saoudite en raison de la situation des droits humains dans ce pays. Certaines équipes de football internationales – comme celles du Danemark, de l’Allemagne et de la Norvège – ont refusé de participer à des activités promotionnelles au Qatar ou sont entrées sur le terrain avec des banderoles promouvant les droits humains. Pendant plusieurs années consécutives, des championnes d’échecs ont protesté contre le traitement réservé aux femmes en Iran et en Arabie saoudite en refusant de défendre leurs titres lors de tournois organisés dans ces pays.

Les sportifs doivent être encouragés à s’exprimer et recevoir du soutien lorsqu’ils le font. Toute tentative de sportswashing doit faire l’objet d’une campagne de la société civile, en collaboration avec les célébrités sportives qui se sentent concernées, afin de dénoncer les abus commis par les bailleurs de fonds.

Il faut exercer davantage de pression sur les instances dirigeantes du sport. Il est désormais clair que l’attribution des droits d’organisation d’un événement sportif n’encourage pas les pays hôtes à ouvrir l’espace civique, mais les incite plutôt à restreindre les moyens d’expression des dissidents. Les instances sportives devraient être incitées à élaborer et à mettre en œuvre une évaluation obligatoire des droits humains, qui ferait partie intégrante de toute décision d’attribution des droits d’accueil, et à refuser de prendre en considération les candidatures des États qui ne réussissent pas l’évaluation. Les droits d’accueil devraient s’accompagner d’engagements clairs pour améliorer les performances en matière de droits humains dans des domaines spécifiques, ainsi que d’un suivi et d’un compte rendu public des progrès réalisés par rapport à ces engagements.

S’ils ne prennent pas de mesures positives, les organismes sportifs mondiaux ne sont pas neutres comme ils aiment à le prétendre ; au contraire, en n’agissant pas, ils se rendent complices d’abus. Si ils continuent à attribuer des événements sportifs de premier plan à des pays dont le bilan en matière de droits humains est catastrophique et dont l’espace civique est fermé, ils peuvent s’attendre à être la cible de campagnes de sensibilisation.

Les boycotts dans le domaine du sport peuvent être difficiles à maintenir et peuvent finir par pénaliser non pas les pays hôtes répressifs, mais les athlètes qui passent des années à se préparer pour des événements de haut niveau. En revanche, les boycotts en matière de diplomatie sont plus judicieux. Ils peuvent priver les autocrates de la possibilité de prétendre à la légitimité, acquise en côtoyant d’autres dirigeants sur la scène mondiale. Ils peuvent envoyer le signal qu’un gouvernement hôte ne doit pas être traité comme n’importe quel membre de la communauté internationale.

De nombreux États ont déjà annoncé qu’ils ne se rendraient pas à Pékin, notamment l’Australie, le Canada, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis. En revanche, l’autocrate russe Vladimir Poutine a été le premier à confirmer sa présence. Il sera rejoint par un groupe sinistre de dirigeants d’États répressifs, dont le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, ainsi que par de nombreux dirigeants d’États de la région qui cherchent à apaiser le géant chinois à leurs frontières. Ces pays ne sont pas de bonne compagnie et il est préférable de rester à l’écart.

La pression sur les sponsors constitue un autre levier. Les grandes entreprises paient des sommes considérables pour s’associer à de grands événements et tirer profit de leur prestige. La société devrait leur faire pression pour qu’elles fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits humains avant de s’engager dans un parrainage ; dans le cas contraire, elles devraient s’attendre à faire l’objet de campagnes de boycott visant à encourager leur retrait. Les principaux sponsors – parmi lesquels Coca-Cola, Toyota et Visa – se sont montrés particulièrement discrets à l’approche des Jeux olympiques d’hiver, craignant sans doute précisément ce genre de questions. Ils devraient également devoir répondre à des questions ardues de la part des actionnaires et des investisseurs sur l’objectif et la valeur de leurs dépenses en matière de parrainage.

Pour ce qui est de la propriété des clubs de football et d’autres organismes similaires, il convient de souligner que ces entités sont historiques et qu’elles ont été construites au fil des décennies grâce au soutien des communautés. Elles incarnent espoirs, rêves et fierté, et représentent les points focaux des villes et des villages. À ce titre, ces entités méritent mieux que d’être vendues aux enchères à l’État le plus riche et le plus préoccupé par sa réputation ternie.

En ce qui concerne la Premier League, ce ne sont pas les questions de transferts de propriété, mais la tentative des clubs les plus riches de rejoindre la Super Ligue européenne de football dissidente qui a finalement suscité des appels sérieux en faveur d’un organisme indépendant de réglementation du football. Il est temps de donner suite à cette idée. Il convient d’empêcher tout nouveau transfert de propriété de clubs à des États répressifs, quelle que soit la complexité des structures par lesquelles les États cherchent à dissimuler le transfert de propriété. Les évaluations actuelles concernant les propriétaires et les administrateurs devraient être renforcées pour inclure des critères solides en matière de droits humains.

Enfin, le sport ne devrait pas être contrôlé par des régimes comme ceux de la Chine, du Qatar et de l’Arabie saoudite. Le sport s’adresse à tous ceux qui participent aux événements sportifs, des compétiteurs d’élite aux amateurs au niveau local. Tous ceux qui suivent les événements sportifs, depuis chez eux ou sur place, doivent pouvoir en profiter sans pour autant se rendre complices de régimes répressifs qui essaient de redorer leur réputation. Les événements sportifs devraient être des moments de célébration et faire appel à ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous. Il est temps de les reprendre des mains des dictateurs.

NOS APPELS À L’ACTION

  • Davantage d’États et de dirigeants devraient se joindre publiquement au boycott en matière de diplomatie des Jeux olympiques d’hiver de Pékin.
  • Les responsables des campagnes publicitaires des Jeux olympiques et de la Coupe du monde devraient être tenus responsables de leurs normes en matière de droits humains ou faire l’objet de boycotts s’ils continuent à parrainer des événements qui se déroulent dans des États répressifs.
  • Les organes de gouvernance du sport devraient élaborer des critères solides en matière de droits humains, en consultation avec la société civile, à appliquer dans les décisions relatives à la propriété des clubs et à la sélection des pays hôtes.

Photo de couverture par Justin Sullivan/Getty Images