« Les risques associés à la visibilité limitent la capacité des groupes LGBTQI+ à s’opposer à la loi criminalisant l’homosexualité »
CIVICUS discute de la nouvelle loi anti-LGBTQI+ au Mali avec une représentante d’une organisation de la société civile qui défend les droits humains et qui a choisi de rester anonyme pour des raisons de sécurité.
Le 31 octobre, le Conseil national de transition (CNT) du Mali a adopté une loi criminalisant l’homosexualité. Le Mali est sous régime militaire depuis 2021 et connaît une répression croissante de l’opposition et des médias, ainsi qu’une intensification du conflit armé. Présentée comme défendant les « valeurs traditionnelles », la nouvelle loi reflète une tendance inquiétante dans une région où les personnes LGBTQI+ sont confrontées à la stigmatisation, à la discrimination et à la violence.
Quels sont les principaux changements juridiques ?
Le CNT a adopté deux lois majeurs pour réformer la justice, dont l’une criminalise l’homosexualité. Cette loi s’ajoute à d’autres réformes importantes, telles que la suppression de la cour d’assises, la mise en place d’un collège de juges des libertés et de détention chargé des mandats de dépôt, l’introduction du crime de haute trahison conformément à la nouvelle constitution, l’introduction du bracelet électronique et l’interdiction de l’esclavage par ascendance.
Le gouvernement malien souhaite criminaliser les relations entre personnes de même sexe pour préserver les valeurs culturelles et religieuses traditionnelles dans un pays où l’islam est la religion dominante et les normes sociales sont profondément conservatrices.
Cette nouvelle loi marque un tournant juridique et politique important. Jusqu’à présent, l’homosexualité ne faisait l’objet d’aucune sanction pénale explicite. Mais le ministre de la Justice a précisé que des dispositions légales existaient désormais pour interdire l’homosexualité, et que toute personne s’adonnant à cette pratique, en faisant la promotion ou l’apologie, serait poursuivie.
Comment la société civile a-t-elle réagi ?
Même les acteurs institutionnels, généralement engagés en faveur des droits humains, semblent éviter cette question, craignant les risques de polarisation ou de rejet par une large partie de l’opinion publique. Cette prudence témoigne de la difficulté de trouver un équilibre entre la défense des droits universels et la nécessité de prendre en compte les réalités socioculturelles du pays.
Dans ce climat de silence et de prudence, les organisations LGBTQI+, qui sont très rares ou contraintes de travailler dans la plus grande discrétion, sont confrontées à des défis immenses. La forte stigmatisation et les risques liés à leur visibilité limitent leur capacité à s’opposer à cette loi. Dans ce contexte, le soutien de partenaires internationaux est essentiel pour leur permettre d’agir efficacement tout en renforçant leur sécurité.
Cette loi s’inscrit-elle dans une tendance régionale plus large ?
Oui, cette loi semble s’inscrire dans une tendance régionale plus large. Le CNT du Burkina Faso, sous régime militaire depuis 2022, envisage d’adopter une législation similaire, renforçant ainsi une dynamique régionale de rejet institutionnel de l’homosexualité.
Ce phénomène reflète une montée des discours conservateurs dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, souvent justifiés par la volonté de protéger les valeurs culturelles et religieuses locales. Ces lois sont parfois perçues comme un moyen de répondre aux pressions internes pour préserver les normes traditionnelles, mais elles peuvent également être utilisées comme outil politique pour consolider le soutien populaire aux régimes militaires.
Si cette initiative est confirmée au Burkina Faso, d’autres États de la sous-région commenceront probablement à envisager des approches similaires.