CIVICUS discute de la crise actuelle en République centrafricaine (RCA) avec un activiste et défenseur des droits humains qui a demandé à rester anonyme pour des raisons de sécurité.

La RCA est confrontée à des risques croissants de crimes contre les droits humains dans un contexte de violence croissante. Depuis décembre 2020, les affrontements entre la Coalition des patriotes pour le changement et les forces gouvernementales ont entraîné de nombreuses violations des droits humains : enlèvements, recrutement forcé d’enfants, meurtres et violences sexuelles. Les Nations Unies ont documenté de graves abus commis par les deux parties, notamment des exécutions sommaires et des attaques ciblant des groupes ethniques. La présence de combattants étrangers et de groupes armés utilisant la RCA comme base opérationnelle a davantage déstabilisé la situation sécuritaire.

Quelles sont les principales causes de la violence en RCA ?

La RCA traverse une période marquée par des conflits incessants et des violences croissantes. Le népotisme et le tribalisme règnent : ceux qui ont des relations, appartiennent à des partis politiques ou à l’ethnie du président accèdent plus facilement aux postes. Face au chômage et au coût élevé de la vie, les jeunes se retrouvent souvent contraints de recourir à la violence pour survivre, rejoignant des groupes rebelles ou commettant des braquages.

Même l’armée n’est pas épargnée. De nombreux jeunes sont contraints de s’y enrôler, mais peinent ensuite à percevoir leur salaire, ce qui peut les pousser au banditisme. Le 2 février, un membre des Forces armées centrafricaines (FACA) a été tué lors d’un braquage visant un domicile à Bangui, la capitale. Ces braquages se sont multipliés ces derniers temps, et les habitants mentionnent fréquemment la présence d’hommes en uniforme parmi les auteurs.

La population se sent abandonnée, et ceux qui osent en parler risquent des représailles. Cette réalité alimente la haine et pourrait potentiellement déclencher une nouvelle guerre civile.

Comment le conflit affecte-t-il les populations vulnérables ?

Les civils sont pris en étau entre les FACA et les rebelles, particulièrement dans l’arrière-pays. Dans certaines régions, les alliés des FACA, censés protéger les populations, se livrent eux-mêmes au pillage. Les déplacements sont extrêmement risqués : les populations qui quittent la brousse deviennent souvent victimes de viols et de pillages par des hommes armés.

Des incidents récents illustrent la gravité de la situation. Le 13 février, huit personnes ont été kidnappées à Bocaranga, dans la préfecture de l’Ouham-Péndé. Si six otages ont été libérés, deux autres restent captifs. À Alindao, dans la Basse-Kotto, une dizaine de personnes ont été assassinées en dix jours par des hommes armés non identifiés, notamment dans les villages de Goro et Odjio. Les populations tentant de fuir les zones de conflit s’exposent non seulement aux balles perdues, mais aussi aux dangers de la brousse, comme des animaux sauvages et maladies.

Pourquoi les accords de paix précédents ont-ils échoué ?

L’accord de paix signé à Khartoum (Soudan) le 6 février 2019 entre le gouvernement du président Faustin-Archange Touadéra et quatorze groupes armés n’a pas tenu. Les groupes armés avaient notamment exigé leur inclusion dans le gouvernement, mais leurs demandes n’ont pas été satisfaites, déclenchant des attaques contre les bases des FACA. Le 13 janvier 2021, environ 200 rebelles de la Coalition des patriotes pour le changement ont même tenté, sans succès, de prendre Bangui.

Pour assurer une protection durable des populations, il est essentiel que la communauté internationale et le gouvernement investissent dans le renforcement des capacités des forces armées et de police, notamment en matière de respect des droits humains. Un système d’alerte efficace, développé en collaboration avec les autorités locales et les forces de l’ordre, est également crucial.

Comment renforcer la responsabilité pour les violations des droits humains ?

Actuellement, la protection des défenseurs des droits humains en RCA repose principalement sur le recours à la justice en cas d’agression. Ce dispositif doit être renforcé et diversifié, en étroite collaboration avec le gouvernement et la société civile, pour améliorer son efficacité et mieux prévenir les exactions.

La société civile doit être au cœur de tout dispositif de protection des droits humains. Les organisations de défense des droits, qui travaillent au plus près des populations, nécessitent aussi un soutien financier et logistique substantiel.