Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a voté à une faible majorité contre la tenue d’un débat sur la campagne systématique de violations des droits humains menée par la Chine au Xinjiang. Cela s’est fait malgré un rapport récemment publié par l’ONU apportant des preuves incontestables de crimes commis par l’État chinois de manière très répandue. Cette décision a vivement déçu la société civile, qui attendait du Conseil une vraie lutte contre l’impunité, quelle que soit la puissance du contrevenant. Le gouvernement chinois pourrait bien considérer qu’il s’agit là d’une mission accomplie dans sa volonté de bloquer l’action internationale, mais la société civile continuera de surveiller et de faire pression pour que les recommandations du rapport soient suivies.

Ça a presque été un moment bouleversant dans la quête visant à obliger les États puissants à rendre compte de leurs violations de droits humains. Mais le 6 octobre, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (ONU) a étroitement voté contre une résolution tendant à l’organisation d’un débat sur la situation des droits humains dans la région chinoise du Xinjiang. Avec 17 voix pour, 19 contre et 11 abstentions, la proposition a échoué. Les 47 États membres de la plus haute instance mondiale de de droits humains ont été mis à l’épreuve, et un grand nombre d’entre eux a échoué.

Une campagne fructueuse pour la Chine

Cette résolution fait suite au rapport de l‘ONU qui s‘est longtemps fait attendre sur la situation des droits humains au Xinjiang. Publié quelques minutes seulement avant la fin du mandat de l’ancienne Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, le rapport a trouvé des preuves crédibles de torture, de violence sexuelle et sexiste, de contraception forcée, de détention arbitraire et discriminatoire et de discrimination pour des motifs religieux et ethniques. Il conclut que ces faits peuvent constituer des crimes au regard du droit international, notamment des crimes contre l’humanité.

La société civile avait depuis longtemps apporté la preuve de la campagne génocidaire menée par la Chine contre la population à majorité musulmane du Xinjiang. Le rapport de l’ONU l’a rendu officiel. Comme il fallait s’y attendre, le gouvernement chinois s’est indigné. Sa longue campagne pour étouffer le rapport ayant échoué, il a accusé l’ONU de diffuser de la désinformation et a remis en question le mandat du Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

La société civile a clairement indiqué que la surveillance de la part des Nations unies ne devrait pas s’arrêter à la publication d’un rapport. Elle a exhorté le Conseil des droits de l’homme à passer à l’étape suivante en entamant un dialogue à propos du rapport et en s’engageant à mettre en place un mécanisme international de suivi permanent de la situation des droits humains.

Même si la résolution, se contentant de demander au Conseil des droits de l’homme d’organiser un débat, était bien plus modérée que ce que la société civile aurait pu souhaiter, la Chine a résisté de toutes ses forces. Le président de la Chine Xi Jinping s’est montré déterminé à lever tout obstacle qui pourrait entraver la confirmation harmonieuse de son troisième mandat lors du congrès du Parti communiste chinois qui se tiendra à la fin du mois.

Le gouvernement chinois a intensifié la pression sur les membres du Conseil pour qu’ils votent contre ou s’abstiennent, insistant sur la solidarité du Sud contre ce qu’il a qualifié de conspiration occidentale. Les relations économiques dérivées de l’initiative « Belt and Road » de développement des infrastructures ont sans aucun doute joué un rôle.

Il y avait plusieurs votes sur lesquels la Chine pouvait toujours compter. Des États tels que le Cameroun, Cuba, l’Érythrée, les Émirats Arabes Unis, l’Ouzbékistan et le Venezuela commettent sans relâche des atteintes aux droits humains dans leur pays et n’ont aucun intérêt à encourager une responsabilité internationale qui pourrait se retourner contre eux.

Cela met en lumière un problème persistant du Conseil des droits de l’homme : bien que ses États membres soient censés défendre les normes les plus élevées en matière de droits humains, nombre d’entre eux violent systématiquement les droits nationaux et sont accusés de participer au Conseil non pas pour lui permettre de remplir ses fonctions, mais pour l’entraver.

De l’autre côté se trouvaient les États qui avaient parrainé la résolution, parmi eux la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les États-Unis. Le résultat de la votation dépendait des Etats restés au milieu, et les résultats ont été décevants.

Malgré le fait que les abus de droits de la Chine sont dirigés à l’encontre de la population musulmane, une série d’États à majorité musulmane – dont les deux plus grands du monde, l’Indonésie et le Pakistan – ont voté contre la résolution, fermant les yeux face aux violations. La délégation indonésienne a fait une déclaration exprimant sa profonde inquiétude quant au traitement des musulmans du Xinjiang, mais a ensuite voté pour bloquer toute action visant à les aider.

Les États d’Afrique et d’Amérique latine ont également choisi de fermer les yeux, le Honduras, le Paraguay et la Somalie constituant les seules honorables exceptions.

Les 47 États membres de la plus haute instance mondiale de droits humains ont été mis à l’épreuve, et un grand nombre d’entre eux a échoué.

Le choix le plus décevant a peut-être été fait par l’Ukraine, qui à juste titre appelle le monde à demander des comptes à la Russie pour les crimes flagrants qu’elle commet pendant son invasion. Dans ce contexte, la décision de l’Ukraine de s’abstenir est inexplicable. Le lendemain, sans explication, elle a demandé que son vote soit enregistré comme un vote en faveur de la résolution. Cela n’aurait pas changé le résultat, mais ce changement pourrait néanmoins suggérer que la délégation ukrainienne a compris qu’une erreur avait été commise, d’autant plus qu’elle allait bientôt demander le soutien des mêmes États qu’elle n’avait pas soutenu pour adopter une résolution sur les violations des droits humains par la Russie.

À maintes reprises, les États qui ont voté contre ou se sont abstenus se sont rabattus sur l’argument selon lequel le Conseil devrait fonctionner sur la base du dialogue et de la consultation plutôt que sur celle de la confrontation. Cependant, le dialogue a tout justement été empêché par le biais de cette votation. L’incapacité de ces Etats à agir face à des violations flagrantes des droits humains les rend complices.

La société civile maintient la pression

Cela aurait pu être un grand moment pour le Conseil des droits de l’homme. Le bilan en matière de droits humains de l’un des États les plus puissants du monde figurait à son ordre du jour. Lors de la même session, le Conseil a adopté une résolution visant à établir un mécanisme de surveillance indépendant sur la Russie, qui, comme la Chine, est un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, ce qui était d’autant plus encourageant. Le fait que ces résolutions aient été présentées et, dans le cas de la Russie, adoptées, devrait au moins créer un précédent, à savoir qu’aucun État n’est trop grand ni trop puissant pour être surveillé.

Mais son inaction vis-à-vis de la Chine ne peut qu’être considérée comme un retour en arrière pour le Conseil, qui a vivement déçu la société civile. La Chine quant à elle a reçu un signal dangereux, à savoir qu’elle peut s’attendre à bénéficier d’une impunité permanente et que ses tactiques de pression contre d’autres États sont fructueuses.

Il appartient à la société civile d’empêcher la Chine de s’en sortir. Malgré la votation du Conseil, les recommandations du rapport restent absolument valides. La société civile continuera à demander la libération de toutes les personnes emprisonnées arbitrairement au Xinjiang, à enquêter sur les allégations de violations de droits et à effectuer un examen critique des politiques de sécurité nationale et de lutte contre le terrorisme de la Chine.

La société civile s’attendra également à ce que le nouveau Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, s’engage à donner suite au rapport et à maintenir les violations commises par la Chine à l’ordre du jour des Nations Unies. Le vote négatif du Conseil ne peut tout simplement pas être la fin de l’affaire. Les nombreuses victimes des violations des droits humains commises par la Chine méritent bien mieux.

NOS APPELS À L’ACTION

  • Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme doit s’engager à suivre les recommandations du rapport des Nations Unies sur la Chine.
  • Les États démocratiques doivent continuer à faire pression pour que les actions de la Chine au Xinjiang soient reconnues comme un génocide.
  • La société civile doit continuer à surveiller les violations des droits humains commises par la Chine et à réclamer une action internationale.

Photo de couverture par Reuters/Denis Balibouse via Gallo Images